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Les Droits de l’homme, une universalité menacée
Gérard Fellous Paris, La Documentation française, 2010, 272 p.
Le 10 décembre 2010, 62e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), le prix Nobel de la paix a été remis à Liu Xiaobo, militant chinois des droits de l’homme, condamné à onze ans de prison pour « subversion » l’année précédente, après avoir réclamé la démocratisation de la Chine dans la Charte 08.
Dans son dernier livre « Les droits de l’homme, une universalité menacée », paru aux éditions de la Documentation Française, Gérard Fellous, ancien secrétaire général de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, constate un affaiblissement dangereux de cette manifestation historique des valeurs communes de la communauté internationale, en vertu de la remise en cause de son universalité.
Il identifie plusieurs menaces majeures pour ce principe crucial des droits de l’homme. La première, et également la plus importante, est ce qu’il désigne comme le relativisme culturel et religieux. Au fond, il s’agit de l’instrumentalisation du droit à la diversité, conduisant certains États à réclamer leur propre conception des droits de l’homme tenant compte de leurs particularismes culturels, historiques et religieux. Selon Fellous, ce refus des normes internationales de protection des droits de l’homme est souvent censé justifier la violation des droits de l’homme commise, ou protégée par l’État.
La revendication des particularismes régionaux s’accompagne de l’affirmation selon laquelle les droits de l’homme ne seraient qu’un projet occidental visant à imposer ses valeurs au monde de manière néo-colonialiste. Une thèse que Fellous conteste dans un chapitre qui retrace en détail les racines séculaires des droits de l’homme dans les civilisations anciennes, et l’élaboration de la DUDH de 1948 : « De nombreux États, de multiples acteurs de la société civile, quels que soient leurs histoires, leurs cultures, leurs régimes politiques ou leurs convictions religieuses, se sont exprimés, y ont contribué, les ont enrichis dans un long et souvent difficile processus de concertation, de négociation, pour parvenir à un consensus » (p. 192).
Bien que le relativisme culturel émerge autant du continent américain que de l’Asie et de l’Afrique, c’est surtout la Chine – avec son nouveau poids sur la scène internationale – qui justifie une approche différente des droits humains par ses spécificités historiques, philosophiques et juridiques. Sur le plan religieux, l’Iran représente l’opposant principal de la DUDH. En proclamant la nécessité de la réécriture des droits de l’homme selon les principes islamiques et les « valeurs divines », le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a exprimé à plusieurs reprises son hostilité vis-à-vis des droits de l’homme.
Au-delà du relativisme culturel et religieux, l’auteur pointe la prééminence des droits économiques, sociaux, et culturels, sur les droits civils et politiques dans certains pays en Amérique latine comme à Cuba – un héritage de la guerre froide. Deux éléments demandent une vigilance renforcée : le problème de la pauvreté, aggravé par la crise économique, et les nouveaux défis que pose le progrès scientifique inégalement réparti.
Néanmoins, après des années de forte revendication des droits de l’homme dans les années 1990, aujourd’hui les pays démocratiques participent également à leur affaiblissement. Avec la Realpolitik pratiquée par la diplomatie occidentale, ces pays oscillent entre la poursuite des intérêts nationaux et économiques, et le respect des droits de l’homme. Cet écart suscite inéluctablement les reproches d’hypocrisie et de manque de crédibilité.