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Les coulisses de l’intelligence économique
Bruno Delamotte Paris, Nouveau Monde éditions, 2009, 184 p.
« C’est un métier qui en est encore à ses balbutiements et qui se construit au jour le jour, avec ce que cela peut avoir d’enivrant et de dangereux » (p. 26), estime dans son nouvel ouvrage Bruno Delamotte[1], président de « Risk&Co », l’un des principaux cabinets d’intelligence économique français.
Le livre est sorti à un moment où l’intelligence économique a fait irruption dans l’actualité, autour notamment de l’affaire Clearstream, qui n’a cessé de défrayer la chronique. L’année 2009 a par ailleurs vu la naissance du projet de loi baptisé Lopsi II (loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure), qui, entre autres, cherche à donner un cadre à la profession. Elle a en outre été marquée par l’arrivée à échéance de la mission du Haut responsable de l’intelligence économique, Alain Juillet, visant à réorganiser le dispositif national d’intelligence économique.
À travers 17 épisodes qui s’inspirent du style du roman policier, l’auteur livre son témoignage et sa vision d’un univers aux contours pas toujours clairs qu’on nomme en France « intelligence économique ». Un document utile à tous ceux qui tentent d’en savoir plus sur la profession.
On y apprend à quoi ressemble le quotidien du patron d’un cabinet spécialisé en intelligence économique. Distances parcourues en avion, appels et tête-à-tête s’enchaînent. Sans révéler les véritables noms des personnes ou des sociétés, qui ont été modifiés pour l’occasion, l’auteur relate plusieurs affaires sur lesquelles il a travaillé : enquêtes sur l’usage de certains fonds, OPAs, sécurité informatique... tout comme les rapports avec les clients, les différents acteurs du milieu, les journalistes ou encore les autorités. Le tout accompagné de commentaires, de considérations déontologiques, de diverses critiques où parfois il ne mâche pas ses mots, ainsi que d’un plaidoyer en faveur d’une véritable politique d’intelligence économique française.
L’auteur souligne que les définitions de l’intelligence économique fluctuent et que la profession est jeune (du moins, dans l’Hexagone). Et faute de définition claire, « […] on ouvre la porte à toutes les interprétations y compris les plus douteuses. Ce qui, malheureusement, ne favorise pas la distinction entre les cabinets sérieux et les officines prêtes à tout pour arrondir leurs fins de mois » (p. 98).
Des réflexions sur l’éthique dans l’exercice du métier, qu’on associe parfois à l’image du « barbouze » ou du « mercenaire de l’info », reviennent régulièrement au fil du récit. Les dérapages existent, admet l’auteur qui les interprète comme des erreurs de jeunesse d’un domaine qui cherche encore ses limites, et ce en l’absence de suivi sérieux par les pouvoirs publics. En dépit de ces « quelques débordements », l’intelligence économique est un « mal nécessaire » indispensable à l’économie française confrontée à une forte concurrence internationale, tranche-t-il.
Dans ce contexte, Bruno Delamotte critique certaines prises de position de l’État et défend l’idée d’une politique d’intelligence économique « digne de ce nom » ainsi que d’un partenariat public-privé. Il réclame en outre l’internationalisation de l’intelligence économique hexagonale qui correspondrait davantage à la réalité mondialisée des entreprises.
[1]. Bruno Delamotte n’en est pas à sa première publication. Il a écrit Question(s) d’intelligence : le renseignement face au terrorisme (Michalon, 2004), un policier intitulé Caviar grillé (Michalon, 2006), ainsi que co-écrit Le grand Bazar : pendant la croisade, les affaires continuent (Michalon, 2003).