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Les conservateurs américains se mobilisent. L’autre culture contestataire
Romain Huret (sous la dir.) Paris, Autrement, 2008, 192 p
Qui sont les conservateurs américains, souvent décriés sur la scène internationale, mal connus, mais si présents dans la société de la première puissance mondiale ? C’est à cette question, essentielle, tant le « réservoir » électoral des conservateurs est important, à l’approche d’élections présidentielles américaines que de nombreux observateurs qualifient déjà d’historiques, que plusieurs auteurs experts de la société américaine se sont efforcés d’apporter des éléments de réponse. Les milieux conservateurs américains sont connus pour leur soutien au port d’arme, en vertu du deuxième amendement de la Constitution ; pour leur soutien à la peine de mort (qui leur vaut de vives critiques de la part des sociétés européennes) ; pour leurs actions pro-life ; pour leur opposition farouche à la théorie de l’évolution ; pour leur hostilité à l’égard des syndicats… Mais en dehors de ces aspects presque caricaturaux, bien que réels, on ignore souvent que ces milieux ne sont pas systématiquement liés au parti républicain, et se retrouvent parfois au sein du parti démocrate. De quoi compliquer une lecture politique bipartisane des États-Unis, en mettant l’accent sur d’autres formes de divisions, plus profondes.
Les auteurs parlent de « révolution conservatrice » : un concept qui peut faire sourire à première vue, mais qui correspond pourtant parfaitement aux mouvements conservateurs américains. Certains parlent même d’un « trotskysme de droite », mettant en avant les difficultés pour les milieux conservateurs de se faire entendre dans les années 1960, à l’heure des débats sur les droits civiques et la libéralisation de la société américaine, et leur montée en puissance progressive au cours des quarante dernières années. La contestation reste au cœur de l’engagement politique et social des conservateurs, qui reprochent à une « autre Amérique » de mettre en péril les valeurs qui portèrent ce pays sur le devant de la scène internationale.
Les témoignages recueillis dans cet ouvrage collectif, qui privilégie les enquêtes de terrain, sont précieux en ce qu’ils mettent en avant à la fois l’avis des experts et les sentiments exprimés par cette Amérique longtemps restée silencieuse, mais qui est désormais considérée comme incontournable. Ces témoignages permettent de déceler, loin des clichés traditionnels (red necks, extrémistes, groupes religieux fondamentalistes, familles privilégiant des valeurs traditionalistes parfois dépassées, formant ce que certains experts qualifient de « Jihad américain »), des groupes formés de classes moyennes, réfléchissant à leur engagement dans le conservatisme, et voyant dans les évolutions de la société américaine un péril à des valeurs auxquelles ils croient profondément. Comme la société américaine, le conservatisme, loin d’être figé, a lui aussi considérablement évolué, et si certains de ses combats semblent parfois désuets, sa force se retrouve dans sa capacité à rassembler. Dès lors, loin de croire à l’essoufflement du mouvement, il convient de s’interroger sur sa capacité à mobiliser et à perdurer en s’appuyant sur des bases culturelles désormais solides.