La Fondation pour la recherche stratégique publie les actes du colloque organisé en septembre 2009 à la Maison de la Chimie sur les conséquences stratégiques de la crise économique. Camille Grand, son nouveau directeur, et François Heisbourg, son prédécesseur, montrent que la crise économique a modifié les équilibres stratégiques de trois façons.
Concernant la hiérarchie des puissances, la crise n’a pas provoqué de rupture, mais accéléré des tendances. La Triade américano-nippo-européenne a plus souffert que les pays du BRIC qui gardent le vent en poupe. La Chine est devenue la deuxième puissance économique du monde ; l’Inde deviendra peut-être la troisième vers 2040. Pour autant, il serait prématuré de sonner le glas de la suprématie américaine. Fin 2008, l’effet Obama a chassé l’effet Wall Street, comme l’écrit joliment Bruno Tertrais.
Si la puissance relative des acteurs n’a donc pas été radicalement bouleversée par la crise, les règles du jeu international ont dû changer. Le temps n’est plus où l’Occident pouvait dicter ses règles au reste du monde, en matière commerciale, environnementale, sécuritaire. Par démagogie parfois, par réalisme souvent, il associe les puissances émergentes aux cénacles dont celles-ci étaient jusqu’à présent exclues. C’est ainsi que le G8 s’est transformé en G20, plus démocratique, plus représentatif.
À acteurs inchangés et règles du jeu modifiées, quel système stratégique pour le monde de l’après-crise ? Sans doute sort-on lentement du « moment unipolaire » provoqué par la chute du mur. Mais l’annonce de l’avènement d’un monde multipolaire semble encore prématurée. Les alternatives au leadership certes fragilisé de l’Occident manquent encore de crédibilité. Pour quelques années sinon quelques décennies encore, le récit dominant sera celui de la démocratie libérale.