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Les armées dans les révolutions arabes. Positions et rôles. Perspectives théoriques et études de cas
Par Saïd Haddad (dir.) - Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, 143p.
Cet ouvrage est le fruit d’un colloque tenu en 2012 à Saint-Cyr Coëtquidan. Il interroge les acquis de la sociologie des acteurs militaires appliquée au monde arabe. L’impuissance des catégories antérieures à prévoir ou expliquer le positionnement des armées arabes lors des soulèvements de 2011 appelle leur réexamen théorique, suivi de six études de cas d’inégal intérêt.
Ces études de cas remettent en cause des préjugés historiographiques et analytiques, notamment la focale grossissante sur les instabilités politiques (coups d’État, luttes d’indépendance). Ainsi, le rôle politique de l’armée algérienne est déduit a posteriori de son intervention en 1991, dans un contexte électoral dominé par le Front islamique du salut (FIS). Cette lecture téléologique néglige les événements de la décennie précédente : les émeutes populaires de 1988, l’ouverture de l’Algérie au multipartisme et la modernisation de l’armée engagée dès 1980. Son intervention en 1991 n’est que conjoncturelle, ce que les analyses négligent en proposant des perspectives monolithiques tant en termes historiques que sociaux.
L’examen du complexe militaro-sécuritaire syrien dénonce le biais analytique d’une lecture identitaire du fonctionnement des forces armées. Les Alaouites ne sont pas unanimes derrière Bachar Al-Assad, pas plus qu’ils ne l’étaient derrière son père. L’unité communautaire est le fruit d’une longue socialisation des élites alaouites au sein du gouvernement Assad, elle ne lui préexiste pas. Si Hafez Al-Assad recourt massivement aux solidarités confessionnelles pour sécuriser son régime, les lignes de clivage actuelles jaillissent aussi des solidarités familiales, tribales et économiques, présentes dès le coup d’État du parti Baas.
Les contributions rappellent la mise en concurrence des différentes forces de sécurité (milices tribales en Irak et en Libye, services de renseignement en Syrie) comme stratégie de survie des gouvernements autoritaires. Le complexe militaro-sécuritaire syrien inclut forces régulières, milices et services de renseignement, dans l’imbrication des fonctions de défense nationale et de sécurité intérieure. Ces structures duales ou concurrentielles expliquent la fragmentation des groupes armés actuels (Irak, Syrie), et la défiance envers les armées après la chute du dictateur, lorsque les cadres en sont maintenus (Libye). Elle soulève aussi la question des processus dits DDR (désarmement, démobilisation, réintégration), dont on constate l’échec en Libye depuis 2012, la dangerosité en Irak depuis 2003 et la politique de débaasification, et que l’on devrait déjà planifier pour la Syrie de demain.
À vouloir catégoriser les armées arabes, on ignore la spécificité de chacune et ses logiques propres (professionnalisation, statut rentier, arbitrage politique, fragmentation, etc.). L’ouvrage souligne avec justesse que l’usage de catégories pour saisir les armées arabes n’est plus pertinent.
Ces études de cas remettent en cause des préjugés historiographiques et analytiques, notamment la focale grossissante sur les instabilités politiques (coups d’État, luttes d’indépendance). Ainsi, le rôle politique de l’armée algérienne est déduit a posteriori de son intervention en 1991, dans un contexte électoral dominé par le Front islamique du salut (FIS). Cette lecture téléologique néglige les événements de la décennie précédente : les émeutes populaires de 1988, l’ouverture de l’Algérie au multipartisme et la modernisation de l’armée engagée dès 1980. Son intervention en 1991 n’est que conjoncturelle, ce que les analyses négligent en proposant des perspectives monolithiques tant en termes historiques que sociaux.
L’examen du complexe militaro-sécuritaire syrien dénonce le biais analytique d’une lecture identitaire du fonctionnement des forces armées. Les Alaouites ne sont pas unanimes derrière Bachar Al-Assad, pas plus qu’ils ne l’étaient derrière son père. L’unité communautaire est le fruit d’une longue socialisation des élites alaouites au sein du gouvernement Assad, elle ne lui préexiste pas. Si Hafez Al-Assad recourt massivement aux solidarités confessionnelles pour sécuriser son régime, les lignes de clivage actuelles jaillissent aussi des solidarités familiales, tribales et économiques, présentes dès le coup d’État du parti Baas.
Les contributions rappellent la mise en concurrence des différentes forces de sécurité (milices tribales en Irak et en Libye, services de renseignement en Syrie) comme stratégie de survie des gouvernements autoritaires. Le complexe militaro-sécuritaire syrien inclut forces régulières, milices et services de renseignement, dans l’imbrication des fonctions de défense nationale et de sécurité intérieure. Ces structures duales ou concurrentielles expliquent la fragmentation des groupes armés actuels (Irak, Syrie), et la défiance envers les armées après la chute du dictateur, lorsque les cadres en sont maintenus (Libye). Elle soulève aussi la question des processus dits DDR (désarmement, démobilisation, réintégration), dont on constate l’échec en Libye depuis 2012, la dangerosité en Irak depuis 2003 et la politique de débaasification, et que l’on devrait déjà planifier pour la Syrie de demain.
À vouloir catégoriser les armées arabes, on ignore la spécificité de chacune et ses logiques propres (professionnalisation, statut rentier, arbitrage politique, fragmentation, etc.). L’ouvrage souligne avec justesse que l’usage de catégories pour saisir les armées arabes n’est plus pertinent.