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L’Enjeu mondial. Les migrations
Christophe Jaffrelot et Christian Lequesne (sous la dir.) Les Presses de Sciences Po, lExpress, 2009.
Saluons l’arrivée d’un nouveau titre dans cette jeune collection des presses de Sciences Po, qui allie qualité de l’iconographie et sérieux des contributions. L’ouvrage collectif ainsi rédigé est bienvenu et couvre l’essentiel de la thématique, en réactualisant les problématiques et les données.
La question migratoire est abordée sous tous ses angles, que ce soit en termes d’exode rural, de fronts pionniers dans les pays en voie de développement, des diasporas de l’ex-empire soviétique ou des migrations Sud-Sud. Ce livre nous dépeint un vaste mouvement des personnes tentant de construire un destin meilleur, ou bien réalisant un parcours professionnel sous des cieux plus prometteurs, ceci à différentes échelles géographiques.
La partie sur les migrations Sud-Nord suscite le plus d’attentes. Une série de chapitres permet de comparer les politiques menées par les différents pays développés. Les États-Unis, premier pays récepteur d’immigration, n’a guère brillé par sa politique d’intégration, et c’est souvent l’initiative locale qui tente de pallier des situations difficiles. La faiblesse du capital social des nouveaux migrants est un facteur essentiel et explique une moindre réussite des immigrés aux États-Unis (notamment par rapport à la génération immigrée précédente) et en France.
Les questions d’intégration et de remise en cause de l’identité sont assez courantes. La peur de la balkanisation n’a pas épargné les États-Unis, ghettoïsation et refus du bilinguisme de certaines couches de la population. Par ailleurs, la compétition sur le marché du travail peu qualifié a tiré les salaires vers le bas.
Mais les histoires nationales et les pactes sociaux divergent, et il en est de même du traitement de la question migratoire. La contribution de Vincent Tiberj fait suite à des travaux remarqués sur les comportements culturels des populations d’origines immigrées qui se révèlent assez proches de ceux des populations françaises dites « de souche ». Dans d’autres cas, la cohabitation suscite des tensions. Le modèle britannique « multiculturel » connaît de sérieuses limites, et le Japon se caractérise par une attitude discriminatrice sans état d’âme.
Ce grand mouvement de flux transnationaux, qui concerne désormais 3 % de la population mondiale, devrait se poursuivre, sinon s’accélérer, notamment du fait de l’impasse que connaissent certaines sociétés du Sud (mal-développement, fort afflux de main d’œuvre généré par la jeunesse de la population, guerres, troubles, catastrophes écologiques), mais aussi du formidable appel d’air que représente le choc démographique du vieillissement dans les pays du Nord. L’attraction des diplômés vers le Nord est un phénomène ancien, autrefois décrié, mais qui est inéluctable. Reste à savoir comment favoriser les retours de cette main d’œuvre qualifiée, bénéficiant de l’expérience dans les pays développés, vers les pays émergents – c’est l’enjeu du brain gain lié aux migrations circulaires. La question des politiques de formation est essentielle pour favoriser ces mouvements et permettre l’adaptation dans les pays du Nord. Ceux-ci doivent revoir leur politique d’accueil, en révisant les conditions d’intégration, sans qu’il faille nier la nécessité de lutter contre les filières de clandestins –sujet relativement mal expliqué dans ce livre.
Faut-il, en fin de compte, une coordination, une gouvernance mondiale pour organiser de manière optimum ces mouvements ; le chapitre de conclusion l’affirme, mais il n’est guère convaincant. L’intégration de populations nouvelles dans une société ancienne est un phénomène délicat qui relève d’un choix de la communauté d’accueil, et non pas de normes onusiennes. En revanche, il reste à déterminer le vrai partage des tâches entre l’Union européenne et les États membres, aspect sur lequel le livre n’a pas voulu se risquer.