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L’économie sociale et solidaire. Levier de changement ?
Par Frédéric Thomas (coord.) - Louvain-la-Neuve, CETRI / Solidarité socialiste / Syllepse, Alternatives Sud, 2015, 192p.
Objet d’étude hétérogène et controversé, l’économie sociale et solidaire (ESS) apparaît comme une réalité particulièrement revigorée depuis la crise financière mondiale de 2008. Cet ouvrage collectif, publié chez Syllepse, a pour ambition non pas d’en proposer une présentation homogène et définitive, mais plutôt d’analyser sa diversité, à travers les expériences des acteurs de ce secteur ainsi que ses soubassements et potentiels idéologiques et économiques.
Les différents chapitres offrent plusieurs dimensions d’analyse. La première, certainement la plus fournie, est sociologique. Les organismes et acteurs de l’ESS y sont étudiés dans leur environnement, dans leur diversité et dans le temps. Luiz Inácio Gaiger et Patricia Sorgatto Kuyven proposent ainsi une perspective descriptive de l’ESS au Brésil, à travers une cartographie du secteur et une analyse historique et sociologique de ses acteurs. Pour sa part, Jean Rénol Élie met en avant la pluralitéet la complexité du tissu de l’ESS en Haïti, particulièrement dense dans le milieu agraire. Dans le cas du Sénégal (« Koom buy lëkkale ») et du Maroc (Touhami Abdelkhalek), c’est à nouveau la diversité des situations qui est soulignée.
Une deuxième dimension renvoie à la théorie économique. À travers le cas colombien, Natalia Quiroga Díaz envisage l’économie sociale avant tout comme un secteur délaissé par l’analyse économique et prône une meilleure prise en compte de l’économie non marchande, entendue comme un instrument de protection sociale, environnementale et culturelle face à la tendance homogénéisante et androcentrée de la rationalité capitaliste.
Un troisième axe de l’ouvrage s’appuie sur l’analyse de l’ESS comme acteur des politiques publiques. Ananya Mukherjee-Reed propose une analyse fouillée d’une initiative d’envergure de l’État indien du Kerala, qui porte une ambitieuse politique de lutte contre la pauvreté. En Bolivie, Fernanda Wanderley rappelle quant à elle que, malgré l’ancrage dans l’ESS du mouvement social qui a permis à Evo Morales d’accéder au pouvoir en 2005, ce sont les entreprises publiques qui ont davantage profité des programmes d’investissement, en particulier l’industrie extractive, ce qui entre en contradiction avec la mobilisation initiale des communautés indigènes et paysannes.
Enfin, la dimension juridique de l’analyse, qui revient à de nombreuses reprises, peut notamment être illustrée par le cas du Burundi (Deogratias Niyonkuru), avec une situation juridique précaire, voire un cadre inexistant selon les statuts des organismes de l’ESS. Cette situation concerne, plus généralement, de nombreux acteurs de l’économie sociale et solidaire.
Dans son éditorial, Frédéric Thomas invitait d’emblée à ne pas idéaliser les pratiques ni […] surestimer la marge de manoeuvre dont dispose l’économie sociale » (p. 14). Chez tous les auteurs transparaît, en effet, la nécessité d’un renforcement du cadre juridique de l’économie sociale et solidaire, généralement couplée à un plaidoyer pour faire de ces organisations les acteurs d’une protection sociale en construction, voire d’une solution de rechange pure et simple à l’économie capitaliste. Mais ces différentes structures permises par l’ESS (coopératives, sociétés à finalités sociales, associations, mutuelles, fondations), si elles viennent généralement combler le vide laissé par les crises économiques, les programmes d’ajustement structurel ou tout simplement par les lacunes du secteur marchand et des politiques publiques, demeurent limitées par leur dépendance au secteur public et leur difficulté à trouver un cadre juridique protecteur et clair. Alors qu’elles existent de longue date dans de nombreux cas, c’est la question de leur pérennité, et surtout du support que les politiques publiques peuvent apporter, qui est posée. L’éclatement de ce secteur de l’économie constitue toutefois un frein à une systématisation de l’analyse et, bien que l’ouvrage pose des bases empiriques riches par leur diversité, l’absence d’une réelle analyse comparée ne permet qu’une lecture segmentée des différents cas d’étude.
Les différents chapitres offrent plusieurs dimensions d’analyse. La première, certainement la plus fournie, est sociologique. Les organismes et acteurs de l’ESS y sont étudiés dans leur environnement, dans leur diversité et dans le temps. Luiz Inácio Gaiger et Patricia Sorgatto Kuyven proposent ainsi une perspective descriptive de l’ESS au Brésil, à travers une cartographie du secteur et une analyse historique et sociologique de ses acteurs. Pour sa part, Jean Rénol Élie met en avant la pluralitéet la complexité du tissu de l’ESS en Haïti, particulièrement dense dans le milieu agraire. Dans le cas du Sénégal (« Koom buy lëkkale ») et du Maroc (Touhami Abdelkhalek), c’est à nouveau la diversité des situations qui est soulignée.
Une deuxième dimension renvoie à la théorie économique. À travers le cas colombien, Natalia Quiroga Díaz envisage l’économie sociale avant tout comme un secteur délaissé par l’analyse économique et prône une meilleure prise en compte de l’économie non marchande, entendue comme un instrument de protection sociale, environnementale et culturelle face à la tendance homogénéisante et androcentrée de la rationalité capitaliste.
Un troisième axe de l’ouvrage s’appuie sur l’analyse de l’ESS comme acteur des politiques publiques. Ananya Mukherjee-Reed propose une analyse fouillée d’une initiative d’envergure de l’État indien du Kerala, qui porte une ambitieuse politique de lutte contre la pauvreté. En Bolivie, Fernanda Wanderley rappelle quant à elle que, malgré l’ancrage dans l’ESS du mouvement social qui a permis à Evo Morales d’accéder au pouvoir en 2005, ce sont les entreprises publiques qui ont davantage profité des programmes d’investissement, en particulier l’industrie extractive, ce qui entre en contradiction avec la mobilisation initiale des communautés indigènes et paysannes.
Enfin, la dimension juridique de l’analyse, qui revient à de nombreuses reprises, peut notamment être illustrée par le cas du Burundi (Deogratias Niyonkuru), avec une situation juridique précaire, voire un cadre inexistant selon les statuts des organismes de l’ESS. Cette situation concerne, plus généralement, de nombreux acteurs de l’économie sociale et solidaire.
Dans son éditorial, Frédéric Thomas invitait d’emblée à ne pas idéaliser les pratiques ni […] surestimer la marge de manoeuvre dont dispose l’économie sociale » (p. 14). Chez tous les auteurs transparaît, en effet, la nécessité d’un renforcement du cadre juridique de l’économie sociale et solidaire, généralement couplée à un plaidoyer pour faire de ces organisations les acteurs d’une protection sociale en construction, voire d’une solution de rechange pure et simple à l’économie capitaliste. Mais ces différentes structures permises par l’ESS (coopératives, sociétés à finalités sociales, associations, mutuelles, fondations), si elles viennent généralement combler le vide laissé par les crises économiques, les programmes d’ajustement structurel ou tout simplement par les lacunes du secteur marchand et des politiques publiques, demeurent limitées par leur dépendance au secteur public et leur difficulté à trouver un cadre juridique protecteur et clair. Alors qu’elles existent de longue date dans de nombreux cas, c’est la question de leur pérennité, et surtout du support que les politiques publiques peuvent apporter, qui est posée. L’éclatement de ce secteur de l’économie constitue toutefois un frein à une systématisation de l’analyse et, bien que l’ouvrage pose des bases empiriques riches par leur diversité, l’absence d’une réelle analyse comparée ne permet qu’une lecture segmentée des différents cas d’étude.