Le Venezuela au-delà du mythe. Chavez, la démocratie, le changement social
Olivier Compagnon, Julieu Rebotier et Sandrine Revet (sous la dir.) Ivry-sur-Seine, Éditions de lAtelier, 2009, 238 p.
Cet ouvrage collectif, s’appuyant essentiellement sur les contributions de chercheurs français, met l’accent sur les aspects intérieurs du régime chaviste. Défrayant la chronique et fort actif sur la scène internationale, Hugo Chavez tend à proposer un modèle alternatif de développement aux pays latino-américains, contre « l’impérialisme » américain et la mondialisation qu’il accuse d’aggraver la pauvreté du Sud.
Il s’agit donc de dresser le bilan de ce modèle, après dix années d’expériences originales, voire révolutionnaires. Celui-ci apparaît malaisé à dépeindre, tant est ambivalente et mouvante la situation économique et sociale du Venezuela. Steve Ellner explique fort bien que l’histoire du régime est celle d’une radicalisation provoquée par une opposition sans concession des classes dirigeantes. Mais où cette course folle va-t-elle s’arrêter ? Dans un premier temps, la modération du régime n’a pas empêché l’opposition de tenter un coup d’État. Par la suite, la division de l’opposition et son incapacité à proposer une autre voie convaincante a laissé le champ libre à Chavez, dont le pouvoir se teintait d’idéologie socialisante ( et confuse), cédait à la rhétorique révolutionnaire et étendait un contrôle étatiste de plus en plus prégnant. Economie de rente – en cela comme en d’autres aspects, le régime chaviste ne constitue guère une rupture par rapport au système précédent - le Venezuela peut financer à bon compte les programmes sociaux grâce aux pétro-dollars. Un effort considérable a été ainsi fourni en direction des classes populaires, et c’est un acquis guère contestable, même si l’ouvrage mériterait de préciser les gaspillages, le clientélisme et la désorganisation de certains de ces programmes. Cette politique sociale est liée à la volonté d’établir une démocratie participative de base, en mobilisant les acteurs de terrains, les associations de quartiers, les sans-logis, les commerçants de rue, etc. Il s’agit sans doute de l’aspect le plus original du régime, et un enjeu essentiel du chavisme comme modèle.
Des études solides demeurent nécessaires pour établir la qualité et l’efficacité de cette participation des communautés de base, mais il apparaît déjà que ces dernières concurrencent les pouvoirs publics et le parti (PSUV). Cette mobilisation par un appel direct d’un leader charismatique à la base du mouvement est source de tensions : le populisme et la confusion de l’autorité sont des aspects préoccupants de l’évolution récente du régime.
Au-delà de son autoritarisme rampant, le régime chaviste est critiquable par son absence de politique à moyen terme, et notamment l’insuffisance des investissements, que ce soit dans l’industrie pétrolière, pourtant pièce centrale du dispositif, ou dans les programmes sociaux et l’économie en général. La dépendance envers les recettes pétrolières a déjà porté des coups sévères au pays en 2008. Toutefois, même si la politique sociale généreuse venait à cesser, la participation des classes populaires qu’elle a suscitée continuerait à produire des effets : le succès le plus marquant du régime demeure ce retour des « sans-voix » dans le domaine politique, dont l’expression la plus inattendue a été une prise de distance avec le leader lorsque celui-ci tend à imposer un pouvoir trop personnel.