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Le risque anti-terroriste
Anne Giudicelli Paris, Le Seuil, 2007
Premier rempart face au risque terroriste, le moyen antiterroriste se révèle être aussi, à ses dépens, un élément stimulateur.
Journaliste spécialiste du monde arabe et musulman, ancienne chargée de mission au ministère des Affaires étrangères et fondatrice de l’agence d’expertise « Terrorisc », Anne Giudicelli fait ici part de son analyse sur les contradictions profondes de cette lutte entre un « Occident » aux tendances répressives et un islamisme toujours plus fertile.
Loin d’atteindre ses objectifs premiers, la guerre menée à l’encontre de la mouvance al-Qaïda se complexifie avec le temps. Force est de constater que ce mouvement s’adapte sans peine aux mesures mises en œuvre par les différents gouvernements européens et américains. Dès lors, le devenir des libertés publiques est plus difficile à appréhender, alors que l’État, par ses hommes politiques et ses services de renseignement, présage d’une catastrophe à venir et au nom de la sécurité collective tente de légitimer une situation d’exception, où surveillance et répression deviennent excessives. Ces mesures protectrices, à long terme, nourrissent les revendications de ce terrorisme d’inspiration islamiste. « Elles n’ont contribué ni à empêcher toutes les actions terroristes sur ou à partir de leur sol […] ni à faire baisser le niveau de menace. Elles ont en revanche contribué à exposer davantage l’Europe » (p. 109).
L’auteur s’attelle ici de manière singulière à redéfinir les bases du système d’al-Quaïda et fait état d’une mutation permanente des cellules actives de ce dernier. Ainsi, le vecteur technologique que représente Internet, véritable moteur de promotion des réseaux islamistes, donne lieu à une course effrénée entre création de sites clandestins de diffusion et de recrutement, et leur laborieuse poursuite par les autorités.
Par ailleurs, les récents attentats de Londres, le 7 juillet 2005, soulèvent de nouvelles questions pour les puissances occidentales. Ce danger qui semblait, auparavant venir de l’étranger, tend aujourd’hui à se développer au sein même des États menacés. Ainsi, tout citoyen, qu’il soit ou non issu de la minorité musulmane, est susceptible d’être enrôlé au sein de ces groupuscules et de commettre un jour un attentat. « La menace n’est plus seulement exogène mais aussi endogène » (p. 70).
Selon Anne Giudicelli « aucun gouvernement ne s’est risqué à établir le lien politique entre terrorisme, menace intérieure et immigration » (p. 106). Sont ici pointées du doigt les carences des politiques d’intégration européennes, leur échec étant intimement lié au développement d’un terrorisme intra-étatique. Si en réaction à ces faiblesses, la majorité de États poursuivent aujourd’hui des politiques de sécurisation à « double détente », menant sur le même front répression et prévention à l’égard des communautés à risque, une coopération supplémentaire doit encore être effectuée au niveau des membres de l’Union européenne.
Enfin, si les sociétés penchent par défaut pour un durcissement de leurs mesures de protection, sont proposées dans cet ouvrage quelques propositions et méthodologies envisageables par les autorités concernées, aussi bien juridiques que sociétales. Ainsi, sans basculer dans l’amalgame mais en tenant compte du danger que peut représenter l’isolement social de certaines franges de la population face à la radicalisation, il semble opportun de ne pas minimiser l’importance du « dossier sensible sur les banlieues en France, cas d’école en matière de persistance des inégalités sociales touchant les populations issues de l’immigration, et de processus de communautarisation, prudemment maintenu étanche… » (p. 106).