Le retour des talibans
Ahmed Rashid Paris, Éditions de la Villa, 377 p.
Depuis les attentats du 11-Septembre, et l’occupation de l’Afghanistan par les forces de l’OTAN, la situation ne cesse de se dégrader dans ce pays et ce, malgré la présence sous la houlette des américains, d’importantes forces militaires de différents pays occidentaux. Les milliards de dollars investis et les différents sommets tenus pour soutenir le régime de Karzaï ne semblent pas résorber le chaos ambiant. Les chancelleries occidentales n’osent en parler ouvertement, mais « le retour des talibans » est bien effectif.
Ahmed Rashid, expert du mouvement taliban, explique dans son ouvrage « le retour des talibans » et les différentes causes – pour ne pas dire erreurs – qui ont permis la résurgence de ce mouvement extrémiste. Dans des chapitres clairs et précis, l’auteur énumère plusieurs facteurs, qui ont permis un retour du mouvement des Mollah.
Pour comprendre cette situation géostratégique, l’auteur établit un lien direct entre les talibans et l’ISI (service de renseignement pakistanais). La vallée du Swat et la zone du Waziristân, zones tribales par excellence, qui servaient de terrains d’intervention et de manipulation aux services pakistanais échappent désormais à leur contrôle, les reliefs montagneux servent désormais de zone de repli aux talibans, qui vont jusqu’à menacer l’État pakistanais.
Ahmed Rashid insiste longuement sur le rôle politique du Pakistan : son double jeu avec d’un côté, une collaboration avec les américains et de l’autre la tentative d’instaurer sa sphère d’influence dans la région, rêve chéri de la « caste » militaire qui tient entre ses mains tous les rouages du pays.
Outre l’intervention du Pakistan, la montée du mouvement taliban est due aux erreurs des occidentaux. Dans des pages inquiétantes, l’auteur insiste sur la peur des européens d’engager leurs troupes en Afghanistan. Il cite la « liste de conditions » qui impose aux militaires de « ne pas sortir la nuit », de « ne pas intercepter les trafiquants de drogue », etc. Ces derniers sont tiraillés entre leur rôle de combattants et les missions « humanitaires » qu’on leur impose et qui cadrent mal avec le contexte.
Autres problèmes majeurs, la drogue et la corruption : Les occidentaux sont incapables d’endiguer la production de drogue et l’essor des narcotrafiquants. Les paysans qui gagnent nettement plus en plantant du pavot rechignent à changer de « plantation ». Comble de l’ironie, ce qui était présenté aux occidentaux comme une campagne d’éradication des champs de pavots par les forces armées, a servi à refaire monter les prix d’un produit ayant saturé le marché. La fameuse loi de l’offre et de la demande. Quant à la corruption, elle touche même le cercle rapproché du président Hamid Karzaï, au grand dam des Occidentaux.
Ce constat alarmiste et somme toute pessimiste, dressé par l’auteur est le fruit d’erreurs d’évaluations de la part du gouvernement Bush.