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Le pétrole, quel avenir ? Analyse géopolitique et économique
Philippe Copinschi De Boeck, Bruxelles, 2010, 144 p.
Le pétrole est l’énergie emblématique du xxe siècle. Il renvoie à des imaginaires contradictoires. Philippe Copinschi, dans un court et très pédagogique ouvrage de la nouvelle collection « Le point sur … » de l’éditeur belge De Boeck, bat en brèche les idées reçues qui entoure « l’or noir ».
La première est que les consommateurs seraient à la merci des producteurs. L’idée prévaut depuis 1973 où l’on vit les membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) imposer au reste du monde un quadruplement des prix. La situation a bien changé depuis, comme le montre la flambée des prix de 2008, choc de demande dont l’OPEP n’est en rien responsable. D’une part, la marge de manœuvre des producteurs s’est réduite : le prix du baril ne se fixe plus dans les réunions de l’OPEP mais sur les marchés financiers à la rencontre de l’offre et de la demande. D’autre part, la dépendance des consommateurs s’est réduite : outre ceux qui, comme la France, ont réduit l’intensité pétrolière de leur économie, les autres, au premier rang desquels les États-Unis, ont diversifié leurs sources d’approvisionnement. Le pétrole qui satisfaisait 45 % des besoins mondiaux en énergie primaire en 1973 n’en satisfait plus que 35 % aujourd’hui.
La deuxième idée reçue est celle d’un épuisement prochain des ressources. On vit avec l’idée que la fin du pétrole est proche. La réalité est plus complexe. Il faut en effet distinguer les « ressources » géologiques des « réserves », notion dynamique qui dépend des efforts de prospection déployés et des techniques d’extraction mises en œuvre. Si, par définition, les ressources de pétrole ne varient pas, les réserves, elles, fluctuent au gré notamment du prix du baril. Lorsque ce prix augmente, l’exploitation de certains pétroles conventionnels ou non-conventionnels[1], normalement exclue car trop coûteuse, devient rentable. Mais si son prix diminue, en raison notamment du recours accru d’autres sources d’énergie, la production de pétrole s’arrêtera comme celle du charbon s’est arrêtée en Europe : l’épuisement des ressources n’en sera en rien la cause.
Moins que l’étendue des réserves, c’est le réchauffement climatique qui constitue la principale contrainte à l’utilisation du pétrole. Il est aujourd’hui responsable de plus d’un quart du total des émissions totales de gaz à effet de serre (GES). Diminuer la consommation de pétrole devient donc un enjeu central pour l’avenir de la planète. On quitte le domaine des idées reçues pour celui des priorités. Des politiques publiques d’économies d’énergie et de promotion des énergies renouvelables ont déjà été mises en place et le seront encore plus dans l’avenir. Philippe Copinschi passe en revue les sources d’énergie alternatives (nucléaire, hydroélectricité, éolien, solaire …) et les carburants qui pourraient se substituer au pétrole dans transports : biocarburants, GPL, voiture électrique. Il ne tait pas les difficultés pratiques techniques que leur utilisation soulève. Mais il a raison de rappeler que le défi est moins technique que politique : la modification de la donne énergétique suppose une refonte profonde des modes de production et de consommation d’énergie.
Loin des pronostics millénaristes qui ont cours parfois, l’ouvrage de Philippe Copinschi nous invite à dépasser l’approche géopolitique qui prime dans l’analyse du pétrole. Certes, le pétrole est une « ressource stratégique », c’est-à-dire une ressource dont la possession constitue un attribut de puissance, c’est avant tout un bien commercial dont les échanges répondent à des logiques essentiellement économiques.
[1] Il s’agit des pétroles extra-lourds, des sables asphaltiques et des schistes bitumineux plus difficiles à produire et à traiter.