Le Pari de la guerre. Guerre préventive, guerre juste ?
Ariel Colonomos Paris, Denoël, 2009
Un ouvrage remarqué, La Morale dans les relations internationales. Rendre des comptes, (Paris Odile Jacob, 2005) avait désigné Ariel Colonomos comme l’un des nouveaux spécialistes de ce sujet, et son dernier ouvrage confirme la qualité de son œuvre. Cette dernière mêle habilement politique, réflexion éthique, droit, histoire pour tenter de dégager une synthèse sur les nouvelles formes de conflit. Pour l’Occident, la guerre préventive ouvre des débats complexes, au moment où le recours à la force occupe une place sans cesse plus réduite dans le champ des possibles. Elle ne peut se justifier qu’en étant présentée comme une guerre juste, c’est-à-dire qui obéit aux règles de nécessité et de proportionnalité, tout en respectant le principe général de légitime défense.
La légitime défense suscite à elle-seule de nombreuses polémiques. Qui doit décider du bien-fondé d’un appel à la légitime défense… si ce n’est le Prince, seul responsable en dernier ressort, devant l’Histoire, et devant son peuple ? Légitime défense pour soi, mais aussi pour défendre les autres, la guerre juste multiplie les conflits possibles. Une fois celle-ci engagée, la nécessité doit cadrer la conduite des opérations. Bien malin pourtant celui qui peut définir strictement la nature de la nécessité militaire, ou les limites de situations comme la « souffrance inutile » imposée aux adversaires ou aux civils, concept pourtant repris dans de nombreuses conventions internationales. Ces restrictions peuvent s’avérer efficaces, et influent même considérablement sur le cours de la guerre : l’opinion publique, domestique ou extérieure, joue un rôle essentiel dans les choix guerriers des hommes politiques occidentaux. La force de l’opinion, notamment en réaction aux souffrances médiatisées des populations, a changé la conduite des conflits à partir de la guerre du Viêtnam : « être respecté sur le terrain de la vertu aussi devient un objectif d’une politique de guerre » (p. 154).
L’opinion publique n’est pas nécessairement hostile à l’entrée en guerre ni aux pertes civiles, mais elle doit être convaincue que les belligérants respectent un principe de proportionnalité et de discrimination – critère essentiel pour les distinguer des « barbares » ou des terroristes.
Mais ces tendances, et les équilibres qui en résultent, peuvent être remis en question – ce qu’a prouvé la guerre en Irak. Les tensions entre droit, morale et politique donnent lieu à une géométrie mouvante, comme l’a montré la guerre contre le terrorisme, où l’attente sociale à entraîné une réponse politique bousculant les normes alors en vigueur. Pour dépasser ces dernières, et la morale qui les sous-tend, le Prince invoque une autre éthique, celle de la responsabilité, considérant que la fin justifie les moyens ou plutôt, que les effets négatifs de l’action peuvent être inférieurs aux conséquences négatives de l’inaction (théorie du « moindre mal »). Évidemment, le succès ou l’échec détermine grandement la justesse d’une position morale ou de redéfinition des normes : la victoire est une absolution, quoi que l’on fasse.