Le multiculturalisme
Patrick Savidan Paris, PUF, 2009, 128 p.
Maître de conférences à l’Université de Paris IV et président de l’ Observatoire des inégalités, Patrick Savidan publie dans la collection « Que sais-je ? » un ouvrage intitulé Le multiculturalisme. Si la diversité culturelle n’est pas propre au xxie siècle, la conscience d’une nécessaire prise en compte de cette diversité par l’État relève quant à elle de la nouveauté. Dans ce contexte, l’auteur se demande s’il est possible de développer des politiques multiculturalistes tout en évitant de générer des inégalités.
L’ouvrage, dont la table des matières révèle le caractère didactique, est divisé en quatre chapitres complétés par une bibliographie. Après une mise au point conceptuelle et terminologique dans l’introduction (État-nation, multiculturalisme…), Patrick Savidan se penche sur la relation entre démocratie et identité. Croisant les regards historiques et philosophiques, l’auteur éclaire les débats contemporains sur la reconnaissance des identités collectives et individuelles et retrace l’évolution de cette reconnaissance dans le processus de démocratisation des sociétés. Patrick Savidan expose alors une thèse défendue par le philosophe canadien Charles Taylor selon laquelle le renforcement de l’égalité entre les individus doit se faire grâce à une politique de la différence et non à travers la neutralisation de cette dernière.
Conscient que la diffusion du modèle multiculturaliste est dans l’air du temps, l’auteur ne souhaite pas pour autant établir une norme à partir de ce constat. Ainsi propose-t-il dans le deuxième chapitre une analyse des courants qui s’inscrivent contre les politiques multiculturelles. En toile de fond apparaît l’inquiétude que de telles politiques peuvent paralyser voire inverser la dynamique de la politique moderne qui prône l’égale dignité des êtres humains. Avec des références allant de John Stuart Mill à Friedrich Engels, l’auteur montre une approche de la question des minorités bien différente de celle exposée dans le premier chapitre. Il détaille le principe de « neutralité publique », défendu par les philosophes américains John Rawls et Ronald Dworkin. Cette neutralité ne reflète pas une conception ethnocentriste mais signifie que l’État ne peut privilégier aucun mode de vie, aucune orientation culturelle et que, par conséquent, tout prise en compte institutionnelle des identités culturelles est inutile voire illégitime.
La troisième partie de l’ouvrage est consacrée aux politiques des identités, qu’elles soient conservatrices ou libérales, et démontre que le multiculturalisme et la mondialisation ne sont pas antinomiques. S’appuyant sur de nombreux ouvrages publiés au cours des quarante dernières années, Patrick Savidan rejette la thèse selon laquelle le multiculturalisme serait l’expression d’un repli sur soi ou sur sa communauté. Dans la dernière partie, l’auteur montre le double défi que doit relever une politique multiculturelle : d’une part, elle doit promouvoir l’acceptation de la différence et de l’autre, elle doit veiller à assurer la cohésion sociale de l’ensemble. Le principal écueil est donc ce qu’Amartya Sen appelle le « monoculturalisme pluriel », autrement dit un multi-communautarisme auquel l’État ne serait pas en mesure d’imposer le respect des libertés et des droits fondamentaux.