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Le monde au défi
Par Hubert Védrine - Paris, Fayard, 2016, 120p.
Hubert Védrine occupe dans le paysage intellectuel français une place à part. Conseiller de François Mitterrand de 1981 à 1995, ministre des Affaires étrangères de 1997 à 2002, il fut un acteur de premier plan de la politique étrangère de la France. Il en est désormais un des commentateurs les plus prolixes, qu’il s’agisse des chroniques qu’il donne au Point ou à France Culture, des rapports qui lui sont demandés sur l’avenir de l’Afrique, la place de la France dans l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ou la mondialisation, ou des livres qui, grâce à la réputation de son auteur, connaissent un succès de librairie.
Le monde au défi se veut le pendant de La France au défi, publié deux ans plus tôt. S’inscrivant en faux contre le « roman masochiste antinational » (p. 26), Hubert Védrine y faisait le constat paradoxal des atouts de la France et du manque de confiance en eux de ses habitants. Il porte sur la planète le même regard réaliste.
Hubert Védrine considère le monde tel qu’il est et non tel qu’il devrait être. Il n’a pas de critique assez dure vis-à-vis de la notion largement médiatisée de « communauté internationale ». Sans doute, existe-t-il désormais des vagues d’émotions mondiales autour d’événements heureux – l’organisation des Jeux olympiques ou de la Coupe du monde de football, la sortie d’un blockbuster hollywoodien, etc. – ou malheureux – le 11-septembre, le tsunami de décembre 2004, le tremblement de terre au large de Fukushima –, mais cela ne suffit pas à créer une « communauté internationale » unie autour de valeurs communes et capable de décider d’actions communes.
Le monde, nous dit Hubert Védrine, est beaucoup plus fragmenté que les libéraux, tenants de la « mondialisation heureuse » (Alain Minc) et de la « terre plate » (Thomas Friedman), le professent. Le monde parle peut-être aujourd’hui l’anglais – ou une forme dégradé de la langue de Shakespeare – mais continue de penser dans sa langue maternelle. Il est un « kaléidoscope » (p. 54) qui vit peut-être de plus en plus à l’occidentale, mais refuse d’être à la botte des Occidentaux.
L’auteur nous invite à un salvateur renversement de perspective : considérer le monde du point de vue des Autres et non plus de celui de l’Occident – dont l’attitude à leur égard oscille entre isolationnisme et œcuménisme. En quelques pages trop brèves, Hubert Védrine évoque les visions géopolitiques des grands émergents et montre qu’elles ont en commun un inextinguible désir de revanche : de la part de la Russie orpheline de son statut de superpuissance, de la part de la Chine qui entend retrouver la centralité historique qui fut la sienne avant les « traités inégaux ». Le désir de revanche est plus grand encore dans le monde arabo-musulman « rongé par l’amertume et le ressentiment » (p. 46). Il n’est pas moindre en Afrique, dont Hubert Védrine se demande si elle est « en plein boom ou, encore une fois, mal partie » (p. 50).
Dans ce monde fragmenté voire chaotique, l’émergence d’une authentique « communauté internationale » restera-t-elle définitivement de l’ordre de l’utopie ? Hubert Védrine ne cède pas au pessimisme. Il croît que la cohésion de l’humanité est possible, mieux, qu’elle est indispensable pour répondre aux défis lancés par le changement climatique. Il faut rompre, dit-il, avec l’idéologie du progrès et de la croissance, passer de la géopolitique à la géoécologie, lancer un « processus systématique d’écologisation » (p. 104). Cette exhortation de bon sens n’est pas particulièrement novatrice. Elle n’en est pas moins étonnante dans la bouche d’Hubert Védrine, qui ne nous avait pas habitués à prendre fait et cause pour la défense des abeilles (p. 108).
Le monde au défi se veut le pendant de La France au défi, publié deux ans plus tôt. S’inscrivant en faux contre le « roman masochiste antinational » (p. 26), Hubert Védrine y faisait le constat paradoxal des atouts de la France et du manque de confiance en eux de ses habitants. Il porte sur la planète le même regard réaliste.
Hubert Védrine considère le monde tel qu’il est et non tel qu’il devrait être. Il n’a pas de critique assez dure vis-à-vis de la notion largement médiatisée de « communauté internationale ». Sans doute, existe-t-il désormais des vagues d’émotions mondiales autour d’événements heureux – l’organisation des Jeux olympiques ou de la Coupe du monde de football, la sortie d’un blockbuster hollywoodien, etc. – ou malheureux – le 11-septembre, le tsunami de décembre 2004, le tremblement de terre au large de Fukushima –, mais cela ne suffit pas à créer une « communauté internationale » unie autour de valeurs communes et capable de décider d’actions communes.
Le monde, nous dit Hubert Védrine, est beaucoup plus fragmenté que les libéraux, tenants de la « mondialisation heureuse » (Alain Minc) et de la « terre plate » (Thomas Friedman), le professent. Le monde parle peut-être aujourd’hui l’anglais – ou une forme dégradé de la langue de Shakespeare – mais continue de penser dans sa langue maternelle. Il est un « kaléidoscope » (p. 54) qui vit peut-être de plus en plus à l’occidentale, mais refuse d’être à la botte des Occidentaux.
L’auteur nous invite à un salvateur renversement de perspective : considérer le monde du point de vue des Autres et non plus de celui de l’Occident – dont l’attitude à leur égard oscille entre isolationnisme et œcuménisme. En quelques pages trop brèves, Hubert Védrine évoque les visions géopolitiques des grands émergents et montre qu’elles ont en commun un inextinguible désir de revanche : de la part de la Russie orpheline de son statut de superpuissance, de la part de la Chine qui entend retrouver la centralité historique qui fut la sienne avant les « traités inégaux ». Le désir de revanche est plus grand encore dans le monde arabo-musulman « rongé par l’amertume et le ressentiment » (p. 46). Il n’est pas moindre en Afrique, dont Hubert Védrine se demande si elle est « en plein boom ou, encore une fois, mal partie » (p. 50).
Dans ce monde fragmenté voire chaotique, l’émergence d’une authentique « communauté internationale » restera-t-elle définitivement de l’ordre de l’utopie ? Hubert Védrine ne cède pas au pessimisme. Il croît que la cohésion de l’humanité est possible, mieux, qu’elle est indispensable pour répondre aux défis lancés par le changement climatique. Il faut rompre, dit-il, avec l’idéologie du progrès et de la croissance, passer de la géopolitique à la géoécologie, lancer un « processus systématique d’écologisation » (p. 104). Cette exhortation de bon sens n’est pas particulièrement novatrice. Elle n’en est pas moins étonnante dans la bouche d’Hubert Védrine, qui ne nous avait pas habitués à prendre fait et cause pour la défense des abeilles (p. 108).