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Le marché mondial du faux. Crimes et contrefaçons
Pierre Delval Paris, CNRS Editions, 2010, 278 p.
La contrefaçon prend des proportions inquiétantes : elle représenterait de 5 à 7 % du commerce mondial. Elle se nourrit de la libéralisation des échanges (les contrôles à la circulation des marchandises sont progressivement levés) et de l’essor des NTIC (internet permet désormais d’acheter n’importe quoi à n’importe qui). Les consommateurs ont leur part de responsabilité dans sa croissance, leur paupérisation ou tout simplement leur avidité les poussant à acheter à moindre prix un produit ayant toutes les apparences du « vrai » : qui parmi nous n’a pas profité d’un séjour en Turquie ou en Tunisie pour en ramener de fausses Ray-Ban ou un faux Lacoste ?
Imitation frauduleuse d’un produit protégé, la contrefaçon doit être distinguée de notions connexes. La malfaçon, qui se répand de plus en plus dans les pays en voie de développement incapables de faire respecter la réglementation, méconnaît le droit de la consommation mais pas celui de la propriété intellectuelle. La contrebande, qui a existé de tout temps, transporte en violation des réglementations douanières et fiscales des produits contrefaits ainsi que d’autres qui ne le sont pas. Mais les trois concepts sont souvent liés : une usine fabrique un produit dangereux ou non conforme, lui appose l’étiquette d’une marque célèbre en violation du droit de la propriété intellectuelle et l’exporte en fraude. C’est pourquoi la contrefaçon a partie liée avec les organisations criminelles qui ont vite compris le profit qu’elles pouvaient en tirer : les marges sont confortables (un paquet de cigarettes contrefaites coûte 0,25 euros à l’achat en Ukraine et se revend 3 euros sur les trottoirs de Barbès à Paris) et le risque policier et pénal quasi-nul, les peines encourues étant incommensurablement plus douces que celles qui sanctionnent le commerce des stupéfiants.
La contrefaçon a sa géopolitique : elle prospère dans les interstices de la mondialisation, dans des États faillis qui n’ont pas les moyens de la combattre ou dans des États corrompus ou « voyous » qui n’en ont pas la volonté. La contrefaçon représenterait environ 10 % de la production industrielle chinoise ; elle gangrène l’économie russe ; elle se développe dans les pays de l’Est qui tirent une rente de situation de leur récente accession à l’Union européenne.
La contrefaçon ne concerne pas seulement, comme le Comité Colbert aurait trop souvent tendance à l’y réduire, des produits de luxe : polos Ralph Lauren, sacs Vuitton, parfums Chanel, cognacs Hennessy... Elle touche aussi les médicaments, les cigarettes et les produits alimentaires. Et c’est cette extension du champ de la contrefaçon à des produits de consommation courante qui doit alerter : ce qui est en cause désormais, ce n’est plus seulement une violation du droit des marques, de la propriété intellectuelle, mais un risque parfois mortel d’atteinte à la santé des consommateurs. La contrefaçon n’est pas seulement une moins-value pour quelques entreprises du luxe ; la contrefaçon tue.
Ces questions passionnantes sont l’objet du livre de Pierre Delval, expert reconnu de la question (il avait déjà publié aux PUF en 1998 une étude sur la criminalité des faux documents). Las ! Son livre, pourtant publié par le CNRS, est la compilation mal éditée de rapports officiels dont on peine à saisir le fil directeur : les redites sont légion, les anglicismes omniprésents, sans parler des fautes d’orthographe ou de syntaxe.