Le jour où le mur est tombé
Cyril Buffet Paris, Larousse, coll. « Lhistoire comme un roman », 2009
À l’heure de la célébration du vingtième anniversaire de la chute du Mur de Berlin, le thème du livre de l’historien Cyril Buffet est peu original. Sa manière de raconter l’enchaînement des événements qui mènent à cette soirée du 9 novembre 1989, le jour où le mur est tombé, l’est davantage.
En très fin connaisseur de Berlin, l’auteur présente d’abord les principaux protagonistes politiques impliqués : Erich Honecker, Egon Krentz, Günter Schabowski, Mikhaïl Gorbatchev, Helmut Kohl, Walter Momper (maire de Berlin ouest en 1989), etc.
Suite à ces portraits, Cyril Buffet évoque d’une manière romancée la triste fin de Chris Gueffroy, dernier à être mitraillé pour avoir tenté de franchir le mur, le 5 février 1989.
Vient ensuite l’histoire du mur et sa carte d’identité : 15 kilomètres de mur proprement dit, 130 kilomètres de clôture de fil de fer barbelé, 165 miradors et 232 bunkers avec des troupes frontalières très fournies, bien armées, des chiens et de multiples dispositifs de surveillance et d’alerte. On s’étonne presque de la réussite de quelques évasions et aussi que le mur ait pu un jour tomber.
Pour l’expliquer, Cyril Buffet se tourne vers les dirigeants de l’Allemagne de l’Est, trop vieux pour réagir à une crise à la fois politique, sociale et financière.
En 1988, E. Honecker, secrétaire général du parti communiste est-allemand (depuis 1971) et président du Conseil d’État (depuis 1976) apparaît déconnecté des réalités de la vie quotidienne de ses compatriotes. De plus, sa politique économique et industrielle a mené son pays vers un déficit budgétaire de 120 milliards de mark-est, une dette extérieure de 20 milliards de dollars, sans compter les coûteux et hasardeux investissements dans la microélectronique et l’armement.
Cette même année, l’URSS, confrontée à ses propres difficultés, « lâche » l’Allemagne de l’Est. Face au désordre social et aux problèmes économiques, E. Honecker et les siens ne proposent aucune réforme. Leur préoccupation essentielle consiste à édicter de nouveaux interdits pour mettre fin aux fuites massives vers l’ouest par la Hongrie ou la Tchécoslovaquie.
À l’été 1989, E. Honecker, malade, est mis sur la touche par le « politburo » du parti communiste est-allemand. Les nouvelles décisions politiques tardent toujours à venir : ni Egon Krentz ni les autres dirigeants ne parviennent à sortir leur pays de cette impasse liée à quarante ans de dilution des responsabilités dans un système où la peur de l’autre freine toute évolution.
Depuis plusieurs mois, des manifestations se tiennent partout en Allemagne de l’Est. Le 4 novembre 1989, un immense rassemblement de contestation a lieu à Berlin-Est, associant près d’un million de personnes. Les policiers du régime communiste, pourtant très nombreux, ne réagissent pas.
Le 9 novembre 1989, une étincelle suffit pour déclencher « la prise du mur » : la phrase maladroite de Günter Schabowski qui annonce en bafouillant à la télévision d’État que les citoyens est-allemands sont autorisés à quitter le pays « tout de suite, immédiatement ». Le soir même, on danse sur le mur. Le régime politique est-allemand s’effondre comme un château de carte.
Cyril Buffet souligne les absences du pouvoir allemand face à un mouvement populaire pacifiste mais déterminé. Pour analyser les raisons de la chute du Mur de Berlin vu de l’intérieur (de l’Allemagne de l’Est), son ouvrage est une mine d’informations.
Cependant, sa démonstration paraît un peu trop manichéenne avec ce bon peuple opprimé par des dirigeants politiques incompétents et sans vergogne. On sait aujourd’hui que pendant quarante ans, plus de 600 000 Allemands de l’Est firent partie de la Stasi (la police politique est-allemande). Il n’y avait donc pas que des opposants au régime. Par ailleurs, certains protagonistes majeurs de l’histoire du mur sont sous-estimés dans leur rôle (en particulier le président américain George Bush et les gouvernements occidentaux). Enfin, les mouvements de contestation des autres pays du bloc communiste en 1989 sont également absents.
Un éclairage sur ces éléments importants dans la compréhension des événements n’aurait pourtant pas enlevé tout le plaisir que procure la lecture de ce livre et sa manière très personnelle de faire de l’histoire.