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Le G20, laboratoire d’un monde émergent
Karoline Postel-Vinay Paris, Les presses de Sciences Po, 2011, 174 p.
À l’issue d’une année de présidence française du G8 et du G20, cet ouvrage décrit la naissance de ce Groupe des vingt et analyse la question de sa légitimité et de son lien avec les autres groupes et organisations internationales.
Dans un premier chapitre, l’auteure, directrice de recherche au Centre d’études et de recherches internationales (CERI), nous fait le récit historique de l’émergence du G20, initialement Groupe du cadre de Manille, créé à l’initiative de Singapour dans le contexte de la crise financière asiatique, regroupant les ministres des Finances, et non les chefs d’État et de gouvernement, des pays concernés. Elle replace ce groupe dans la constellation des G, notamment le G77, groupe de pays « du Sud ». Elle en décrit le fonctionnement et les objectifs, notamment son caractère d’instance informelle de concertation et non de décision.
Dans le deuxième chapitre, l’auteure questionne la légitimité du G20, qui s’est auto-défini comme regroupement des « pays importants sur le plan systémique ». C’est l’occasion de définir ce concept de légitimité, qui n’est pas une notion objective – légitimité n’est pas légalité, ni nécessité de formalisme, ni loi du plus grand nombre (le G20 regroupe 77 % de la richesse et 62 % de la population mondiales) –. Elle met en lumière les questionnements suscités par sa composition : pourquoi par exemple y avoir intégré une organisation internationale, l’Union européenne, ou des économies ne faisant pas partie des vingt premières du monde, l’Argentine et l’Arabie Saoudite ? L’auteure renvoie dos à dos les partisans convaincus du G20, qui considèrent qu’il s’agit du nouvel organe primordial de régulation mondiale, et les ultra-sceptiques, qui, au motif notamment que l’organisation n’a pas de structure permanente et ne prend pas de décisions, la considèrent illégitime et inutile. Elle met en perspective le rôle et la représentativité respectives du G8 et du G20, établissant que le deuxième n’est pas destiné à remplacer le premier, qui a réaffirmé récemment son identité politique – celle de défenseur des démocraties – lors du G8 de mai 2011 à Deauville qui se tenait dans le contexte des évolutions en cours au Maghreb et au Moyen-Orient. La même question est posée vis-à-vis de l’Organisation des Nations unies, qui représente la (quasi) totalité des États du monde, alors que le G20 ne représente que les plus puissants.
Dans le troisième et dernier chapitre, l’auteure développe son analyse du G20, reflet des mutations mondiales en cours. Le groupe est la seule organisation rassemblant des pays industrialisés et des pays émergents, des pays démocratiques et des régimes autoritaires, des pays religieux et des pays laïcs…, permettant ainsi de dépasser la dichotomie Nord-Sud.
L’ouvrage est clair, précis, bien structuré. Karoline Postel-Vinay nous y présente une vision mesurée et optimiste de l’existence du G20. On peut regretter son caractère théorique, l’auteure ne procédant pas à une analyse des questions sur lesquelles le G20 a concrètement influencé – ou non – les orientations stratégiques internationales. Le titre de l’ouvrage en reflète d’ailleurs bien le contenu : il ne s’agit pas tant d’un examen approfondi du Groupe des vingt, que d’une analyse de ce groupe en tant que laboratoire – à la fois miroir et outil – d’un monde émergent. Mais, justement, la forme de ce nouvel ordre mondial sera-t-elle limitée à des instances de concertation, dont les effets tangibles sont difficiles à mesurer, ou ira-t-elle vers plus de coopération et de mesures de régulation internationale des grandes questions stratégiques ?