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Le football des nations. Des terrains de jeu aux communautés imaginées
Par Fabien Archambault, Stéphane Beaud et William Gasparini (dir.) - Paris, Publications de la Sorbonne, 2016, 266p.
Quelques jours avant le début de l’Euro 2016, La Sorbonne publiait un ouvrage collectif portant sur les relations entre le football et la nation. Dirigé et coordonné par Fabien Archambault, Stéphane Beaud et William Gasparini, ce livre a pour objectif de penser l’évolution des équipes nationales telles que l’Angleterre, l’Argentine, l’Espagne ou encore la Hongrie communiste à la lumière de leurs histoires politiques et sociales particulières. Fil rouge de cet ouvrage, l’idée que le football a « favorisé le développement du sentiment d’appartenance à la nation » (p. 17) : l’étude des pays cités montre que le ballon rond est utilisé comme symbole de puissance, d’appartenance à un régime, de lutte des classes, etc. Si l’importance du football est aujourd’hui avérée et incontestable, les différents articles reviennent sur son émergence dans ces différents territoires et permettent de comprendre comment ce sport a pu devenir source de mobilisation, outil de propagande ou d’exaltation de l’esprit national.
Le constat faisant du sport le miroir de la société est en réalité bien plus complexe. Les auteurs cherchent ainsi à dépasser « le voile-écran de discours préconstruits », pour, « au contraire, le replacer dans un cadre socio-historique afin de saisir toute [cette] complexité » (p. 21). Loin d’un sentiment d’uniformité dans la montée en puissance du football comme passion des foules, c’est plutôt les différences dans la temporalité et dans l’objectif qui sont ici notables.
L’article sur la Squadra Azzurra est, en ce sens, passionnant. Alors que le football occupe une place très importante aujourd’hui en Italie, le cyclisme lui était pourtant très largement préféré au début du XXe siècle. En dépit de l’accueil de la Coupe du monde de football en 1934, l’Italie et Benito Mussolini n’y accordaient, de prime abord, que peu d’intérêt. C’est avec le développement d’un style de jeu caractéristique et les victoires de 1934 puis de 1938 que l’engouement devint important. Ce deuxième sacre mondial sera le début d’une relation parfois tumultueuse, notamment à la suite de la défaite contre la Corée du Nord en 1966, entre la Nazionale et ses supporters, qui permit de supplanter la passion pour le vélo. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette montée en puissance du football. D’une part, l’importance de l’Église catholique, qui « fit du football un instrument privilégié de son action pastorale et politique » (p. 21), dont les exploits étaient par ailleurs relatés dans la presse. D’autre part, les succès importants des clubs italiens et la vitrine offerte par le championnat de Serie A, mais aussi la présence d’une nouvelle génération, qui n’assimilait plus le football au fascisme mais bien plus à « la traduction sportive des luttes sociales du moment » (p. 47).
Dans un autre article, les auteurs mettent en parallèle les résultats de l’Union soviétique et sa présence sur la scène politique internationale. Champions olympiques en 1956 et d’Europe en 1960, les coéquipiers du gardien de but Lev Yachine deviennent les ambassadeurs du régime, avant de connaître une relative période de vache maigre. Plus tard, en 2008, la Russie atteindra les demi-finales du Championnat d’Europe des nations, venant ainsi récompenser les efforts du Kremlin pour faire du sport une allégorie du retour du pays parmi les grandes puissances.
La succession de ces tranches d’histoires politiques et sociales mettent en exergue les points communs liés à la place du sport dans les sociétés nationales, tout en soulignant les spécificités de chaque pays en accord avec sa propre histoire politique et sociale. Bien construit et truffé d’anecdotes, cet ouvrage collectif offre une véritable réflexion sur le football comme objet d’exaltation, de crispation ou d’indifférence, voire de mépris. Qu’il représente une nation ou une région, qu’il constitue la vitrine d’un régime ou qu’il soit victime d’un certain désintérêt, le football suscite des usages pluriels en faisant un objet bien plus complexe qu’il n’y paraît. Et c’est précisément ce qui le rend passionnant.
Le constat faisant du sport le miroir de la société est en réalité bien plus complexe. Les auteurs cherchent ainsi à dépasser « le voile-écran de discours préconstruits », pour, « au contraire, le replacer dans un cadre socio-historique afin de saisir toute [cette] complexité » (p. 21). Loin d’un sentiment d’uniformité dans la montée en puissance du football comme passion des foules, c’est plutôt les différences dans la temporalité et dans l’objectif qui sont ici notables.
L’article sur la Squadra Azzurra est, en ce sens, passionnant. Alors que le football occupe une place très importante aujourd’hui en Italie, le cyclisme lui était pourtant très largement préféré au début du XXe siècle. En dépit de l’accueil de la Coupe du monde de football en 1934, l’Italie et Benito Mussolini n’y accordaient, de prime abord, que peu d’intérêt. C’est avec le développement d’un style de jeu caractéristique et les victoires de 1934 puis de 1938 que l’engouement devint important. Ce deuxième sacre mondial sera le début d’une relation parfois tumultueuse, notamment à la suite de la défaite contre la Corée du Nord en 1966, entre la Nazionale et ses supporters, qui permit de supplanter la passion pour le vélo. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette montée en puissance du football. D’une part, l’importance de l’Église catholique, qui « fit du football un instrument privilégié de son action pastorale et politique » (p. 21), dont les exploits étaient par ailleurs relatés dans la presse. D’autre part, les succès importants des clubs italiens et la vitrine offerte par le championnat de Serie A, mais aussi la présence d’une nouvelle génération, qui n’assimilait plus le football au fascisme mais bien plus à « la traduction sportive des luttes sociales du moment » (p. 47).
Dans un autre article, les auteurs mettent en parallèle les résultats de l’Union soviétique et sa présence sur la scène politique internationale. Champions olympiques en 1956 et d’Europe en 1960, les coéquipiers du gardien de but Lev Yachine deviennent les ambassadeurs du régime, avant de connaître une relative période de vache maigre. Plus tard, en 2008, la Russie atteindra les demi-finales du Championnat d’Europe des nations, venant ainsi récompenser les efforts du Kremlin pour faire du sport une allégorie du retour du pays parmi les grandes puissances.
La succession de ces tranches d’histoires politiques et sociales mettent en exergue les points communs liés à la place du sport dans les sociétés nationales, tout en soulignant les spécificités de chaque pays en accord avec sa propre histoire politique et sociale. Bien construit et truffé d’anecdotes, cet ouvrage collectif offre une véritable réflexion sur le football comme objet d’exaltation, de crispation ou d’indifférence, voire de mépris. Qu’il représente une nation ou une région, qu’il constitue la vitrine d’un régime ou qu’il soit victime d’un certain désintérêt, le football suscite des usages pluriels en faisant un objet bien plus complexe qu’il n’y paraît. Et c’est précisément ce qui le rend passionnant.