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Le défi japonais : Tokyo s’ouvre au monde
Régine Serra Bruxelles, André Versaille, 2011, 137 p.
Le dernier ouvrage de Régine Serra, enseignante à Sciences Po, propose une complète lecture des orientations choisies par le Japon dans le domaine de la politique étrangère depuis 1945. La parfaite connaissance de l’auteure du milieu de la diplomatie lui permet de restituer la complexité du pays du Soleil levant de manière pédagogique, offrant aux non-initiés les clés d’une réalité à première vue insaisissable.
Longtemps considéré comme un acteur privilégié de la politique anticommuniste américaine durant la Guerre froide, le Japon est victime de cette image d’éternel allié sous l’influence des États-Unis, que l’auteure vient rectifier dans son ouvrage. En effet, l’environnement géopolitique a depuis fortement évolué, remettant en cause cet alignement. Le Japon a dû accepter de jouer son propre rôle en Asie du Nord-Est face aux attitudes parfois menaçantes de ses voisins. La Corée du Nord, isolée de la scène internationale, poursuit son programme nucléaire militaire alors que la Chine possède un budget militaire à l’image de sa puissance économique et entretient des tensions déjà présentes.
Le Japon, quant à lui, en cultivant un certain manque de visibilité, a alimenté la crainte de ses voisins et compliqué sa réhabilitation, d’ores et déjà difficile. Il cherche désormais à tirer avantage de sa position de tête de pont entre l’Occident et l’Orient, en réaffirmant son attachement à la démocratie et aux dispositions pacifistes prises par la Constitution de 1946. L’ouvrage montre admirablement comment le Japon a pris le risque de jouer son rôle de puissance régionale dès les années 1990, et comment il en a acquis une reconnaissance internationale, avec notamment le sommet de Tokyo.
Jamais, depuis la Deuxième Guerre mondiale, le contexte économique, social et politique du Japon n’a été aussi difficile, avec un modèle économique en bout de course : dénatalité, vieillissement de la population et indicateurs économiques dans le rouge. L’accentuation de ces difficultés a contraint le Japon à trouver des solutions innovantes. Toujours à la pointe, il puise dans les nouvelles conceptions en matière de développement durable énergétique et climatique, afin de retrouver un second souffle.
Il convient de souligner la justesse de la sélection des extraits de discours d’hommes politiques et la qualité de la description des acteurs de la politique étrangère du Japon (ministères, partis politiques, réseaux et milieux universitaires et économiques) ainsi que de leurs interactions. Leur étude, dans toute sa diversité, permet de présenter les obstacles auxquels le Japon doit faire face, ainsi que les pistes innovantes qu’il explore afin de trouver en permanence des solutions adaptées.
En conclusion, R. Serra nous révèle un Japon non pas découragé, mais convaincu d’avoir trouvé une ligne de conduite prometteuse, laissant même entrevoir une touche d’optimisme, à l’opposé des théories affirmant qu’il ne serait plus que l’ombre de lui-même. À bien des égards, les solutions qu’il a envisagées pourraient éclairer et servir certaines économies occidentales susceptibles d’être soumises aux mêmes aléas prochainement. Néanmoins, les derniers événements tragiques, dont les conséquences ne sont pas encore totalement connues, viennent compliquer sérieusement cet élan et remettre en cause cet optimisme. La reconstruction japonaise pourrait toutefois contribuer à relancer son économie, et forcer l’émergence de nouveaux rapports avec ses partenaires de la zone Asie.
Des capacités de réaction et d’adaptation du Japon à cette série de catastrophes récentes dépendront son avenir, aujourd’hui plus incertain que jamais.