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Le déclin. La crise de l’Union européenne et la chute de la République romaine, analogies historiques
par David Engels - Paris, Éditions du Toucan, 2013, 384 p.
Titulaire de la chaire d’Histoire romaine à l’Université libre de Bruxelles, David Engels dresse dans Le déclin un parallèle édifiant entre la fin de la République romaine (Ier siècle av. J.-C.) et la situation que connaît actuellement l’Union européenne (UE). Cette comparaison historique est d’autant plus vitale aux yeux de l’auteur que la crise que traverse l’UE n’est pas tant économique qu’identitaire : en refusant d’affirmer une identité spécifiquement européenne, fondée sur autre chose qu’un humanisme désormais mondialement répandu, l’UE court le risque de se disloquer dans l’indifférence de ses citoyens. Plus grave encore, en oubliant son passé, elle pourrait voir l’histoire se répéter.
Grâce à son regard d’historien, D. Engels parvient à ressusciter un monde romain troublant d’actualité : tant au niveau de l’intégration, de la démographie ou de la vie en société, la République romaine s’est trouvée confrontée aux mêmes problèmes que ceux qui agitent aujourd’hui l’UE. Face à une société cosmopolite, à une économie – déjà – mondialisée et à un système politique de moins en moins démocratique, la population romaine a progressivement perdu son sentiment d’appartenance à une même communauté. Le peuple n’éprouvant plus d’attachement pour une république devenue aristocratique, il ne fut donc guère surprenant que « dès qu’un nouveau système politique se montra apte à gouverner sans nuire aux intérêts de l’ancienne élite, l’ancienne République s’effondra, sans que personne ne trouve à redire. » (p. 197)
Ces maux, l’Europe les connaît bien. À en croire les textes officiels, l’identité européenne serait fondée sur des valeurs aussi universelles qu’impersonnelles, car partagées par bien d’autres pays dans le monde (droits de l’homme, tolérance, liberté). Cette vision l’éloigne d’autant plus des citoyens qu’il n’est pas difficile, en fouillant dans le passé européen, d’y trouver un héritage commun à tous les peuples, comme le christianisme. Ne voyant dans l’Union qu’une vaste construction économique, et à l’heure où cette dernière connaît un essoufflement sans précédent, il est logique que les citoyens européens ne se sentent que peu concernés par l’avenir de l’Europe. Ce désintérêt est d’ailleurs renforcé par le virage technocratique opéré après l’échec des référendums constitutionnels de 2005 : au sentiment d’indifférence d’une partie de la population s’est ajoutée la conviction de n’avoir aucun rôle à jouer dans le système politique européen.
Devant tant de similitudes historiques, faut-il s’attendre à voir l’Union européenne basculer de la démocratie à l’autoritarisme, comme ce fut le cas avec l’avènement de l’Empire romain ? Dans les dernières pages, l’historien prend le risque d’imaginer l’avenir d’une Europe impériale : prophétisant une révolution conservatrice centrée sur les valeurs traditionnelles et plaçant la sécurité des citoyens au-dessus de leurs libertés individuelles, il décrit une Union européenne ou les États membres – et leurs populations – ne seraient que les clients d’un pouvoir central autoritaire, secondé par une administration acquise à sa cause. Un tel basculement, quand bien même se révèlerait-il durable et vecteur de paix, comme ce fut le cas de l’Empire romain, représenterait pourtant une régression historique pour les droits des individus.
Face à cette menace, la solution que propose D. Engels n’est pas nouvelle : relancer la construction européenne. Mais au-delà du renforcement du pouvoir central – qu’il juge inévitable –, son livre est surtout un plaidoyer pour une Europe dotée d’une identité forte, empreinte des valeurs que lui a léguées son histoire. Si l’on peut facilement reprocher à D. Engels de ne pas voir d’autres racines à l’Europe que son héritage chrétien, il est plus difficile d’être en désaccord avec le constat plus général qu’il dresse avec érudition quant à l’urgence de doter l’Europe d’une identité qui servirait aussi bien de boussole à ses dirigeants que de repères à ses citoyens.
Grâce à son regard d’historien, D. Engels parvient à ressusciter un monde romain troublant d’actualité : tant au niveau de l’intégration, de la démographie ou de la vie en société, la République romaine s’est trouvée confrontée aux mêmes problèmes que ceux qui agitent aujourd’hui l’UE. Face à une société cosmopolite, à une économie – déjà – mondialisée et à un système politique de moins en moins démocratique, la population romaine a progressivement perdu son sentiment d’appartenance à une même communauté. Le peuple n’éprouvant plus d’attachement pour une république devenue aristocratique, il ne fut donc guère surprenant que « dès qu’un nouveau système politique se montra apte à gouverner sans nuire aux intérêts de l’ancienne élite, l’ancienne République s’effondra, sans que personne ne trouve à redire. » (p. 197)
Ces maux, l’Europe les connaît bien. À en croire les textes officiels, l’identité européenne serait fondée sur des valeurs aussi universelles qu’impersonnelles, car partagées par bien d’autres pays dans le monde (droits de l’homme, tolérance, liberté). Cette vision l’éloigne d’autant plus des citoyens qu’il n’est pas difficile, en fouillant dans le passé européen, d’y trouver un héritage commun à tous les peuples, comme le christianisme. Ne voyant dans l’Union qu’une vaste construction économique, et à l’heure où cette dernière connaît un essoufflement sans précédent, il est logique que les citoyens européens ne se sentent que peu concernés par l’avenir de l’Europe. Ce désintérêt est d’ailleurs renforcé par le virage technocratique opéré après l’échec des référendums constitutionnels de 2005 : au sentiment d’indifférence d’une partie de la population s’est ajoutée la conviction de n’avoir aucun rôle à jouer dans le système politique européen.
Devant tant de similitudes historiques, faut-il s’attendre à voir l’Union européenne basculer de la démocratie à l’autoritarisme, comme ce fut le cas avec l’avènement de l’Empire romain ? Dans les dernières pages, l’historien prend le risque d’imaginer l’avenir d’une Europe impériale : prophétisant une révolution conservatrice centrée sur les valeurs traditionnelles et plaçant la sécurité des citoyens au-dessus de leurs libertés individuelles, il décrit une Union européenne ou les États membres – et leurs populations – ne seraient que les clients d’un pouvoir central autoritaire, secondé par une administration acquise à sa cause. Un tel basculement, quand bien même se révèlerait-il durable et vecteur de paix, comme ce fut le cas de l’Empire romain, représenterait pourtant une régression historique pour les droits des individus.
Face à cette menace, la solution que propose D. Engels n’est pas nouvelle : relancer la construction européenne. Mais au-delà du renforcement du pouvoir central – qu’il juge inévitable –, son livre est surtout un plaidoyer pour une Europe dotée d’une identité forte, empreinte des valeurs que lui a léguées son histoire. Si l’on peut facilement reprocher à D. Engels de ne pas voir d’autres racines à l’Europe que son héritage chrétien, il est plus difficile d’être en désaccord avec le constat plus général qu’il dresse avec érudition quant à l’urgence de doter l’Europe d’une identité qui servirait aussi bien de boussole à ses dirigeants que de repères à ses citoyens.