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Le conflit du Haut-Karabakh. Une paix juste ou une guerre inévitable
Fazil Zeynalov Paris, LHarmattan, 2011, 450 p.
Difficile de proposer une lecture résolument objective de la situation au Haut-Karabakh. Le différend qui y oppose l’Arménie et l’Azerbaïdjan depuis plus de vingt ans constitue l’un des derniers conflits gelés nés du démantèlement de l’Union soviétique. Le destin de ce petit territoire de 4 400 m² continue de diviser Erevan et Bakou, malgré la tentative de médiation internationale initiée en 1992 sous l’égide du Groupe de Minsk, avant même la signature d’un accord de cessez-le-feu entre les parties. Les multiples sommets internationaux et autres plans de résolution qui se succèdent depuis 1994 n’ont permis aucune avancée significative. En effet, les belligérants en sont encore à discuter les principes de base des négociations.
Avec une approche qu’il définit comme « historique, géopolitique et juridique », Fazil Zeynalov, enseignant-chercheur à l’université d’État de Bakou, entreprend dans cet ouvrage une présentation rigoureuse du conflit et des forces en présence tout en proposant des pistes pour relancer les négociations. La reprise sérieuse des pourparlers semble en effet indispensable pour prévenir, comme le laisse entendre le titre, le déclenchement d’une nouvelle guerre.
L’imposant volume présente, de par la diversité des approches proposées, un travail sérieux et solidement référencé (près de 1 400 notes de bas de page). L’approche historique permet de saisir la complexité de la situation à la chute de l’Union soviétique et les stratégies adoptées par les parties en présence tandis que l’inclusion d’une dimension géopolitique permet la compréhension du jeu des puissances régionales comme la Russie et la Turquie, qui ont un rôle fondamental à tenir dans le dépassement des antagonismes et l’avancement du dossier. L’auteur décrypte ainsi la position de Moscou, à la fois juge et partie, qui copréside le groupe de Minsk mais introduit évidemment la variable de ses intérêts propres, notamment en refusant le déploiement d’une opération de maintien de la paix sous bannière onusienne. Cela pourrait pourtant contribuer à apaiser les tensions qui ont plutôt tendance à se raviver ces derniers temps.
Si l’agencement du manuscrit, de type chronologique, reste fort classique, tout comme les éléments historiques développés dans les premières parties, le chapitre IX apporte des éclairages intéressants relevant du droit international. L’auteur y développe notamment les argumentaires arménien et azerbaïdjanais. Erevan tente de justifier une position de soutien au Haut-Karabakh en invoquant le droit des peuples à l’autodétermination quand Bakou prône l’application d’un autre principe, celui d’intégrité territoriale, afin de protéger ses frontières. La reconnaissance par l’ONU de la validité de ces deux principes ne favorise pas l’avancement du processus. L’auteur se permet de trancher sur le sujet, après une démonstration étayée par de nombreuses références issues du droit international, arguant que, si certaines résolutions « consacre[nt] le droit à la décolonisation » en reprenant « le principe de l’égalité des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes », elles « ont [néanmoins] pour caractéristique commune d’interdire des actions portant atteinte à l’intégrité territoriale des États » (p. 361-362).
Le dixième et dernier chapitre est consacré aux échecs de la médiation du Groupe de Minsk et présente quelques voies pour reprendre les négociations de façon constructive. En effet, il est crucial de reprendre le travail à la base afin de créer les conditions d’un dialogue et instaurer la confiance mutuelle. Cette dernière peine à émerger du fait des accrochages certes mineurs mais récurrents dans les zones de sécurité (les sept districts azerbaïdjanais occupés par les forces arméniennes et karabakhtsies) et de la suspicion réciproque qu’entretiennent les belligérants. L’auteur préconise ainsi « d’adoucir les intransigeances » et de « renoncer aux positions maximalistes », notamment sur la question du statut final du Haut-Karabakh (p. 400), point d’achoppement principal.
On aurait souhaité qu’un soin plus important soit apporté à la rédaction et à la correction du manuscrit, qui compte de nombreuses erreurs venant parfois perturber la lecture. Malgré la rigueur de sa démarche, l’auteur, travaillant dans une université azerbaïdjanaise, affiche subtilement son parti pris, qui reste argumenté. Au final, cela ne gênera que les lecteurs qui auront feint de penser qu’il se l’interdirait.