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Le choc des empires. États-Unis, Chine, Allemagne : qui dominera l’économie-monde ?
par Jean-Michel Quatrepoint - Paris, Gallimard, 2014, 272 p.
Les écrits du journaliste et économiste Jean-Michel Quatrepoint suscitent toujours des débats importants du fait de la mise en perspective historique de ses travaux et de sa volonté de comprendre les basculements des équilibres géopolitiques. Ceux-ci lient les grandes crises, qui rebattent les cartes, les nouvelles révolutions industrielles mais également la montée des empires autour de puissances politiques et structures sociales. .
L’originalité de cet ouvrage, qui fait suite à Mourir pour le yuan (François Bourin), paru en 2011, est d’introduire l’Allemagne qui, renforcée par sa réunification, impose son modèle économique à l’Europe. À côté de la nouvelle bipolarité liant, à l’échelle mondiale, la Chine mercantiliste et les États-Unis rentiers, on observe au sein de l’Europe une coexistence entre une Allemagne mercantiliste et les pays méditerranéens plombés par la dette. La principale question posée par l’ouvrage est alors de savoir qui, des États-Unis, de la Chine ou de l’Allemagne dominera l’économie-monde ?
La première partie sur l’affirmation de la puissance et de la richesse de l’empire du Milieu a déjà été largement traitée dans la littérature. Elle n’en est pas moins bien informée et claire. L’auteur rappelle comment la Chine a pris sa revanche vis-à-vis de l’humiliation historique et de la marginalisation qu’elle a subies au XIXe siècle. Le partenariat global entre la Chine et les États-Unis a ainsi fait place à un duel global. Il y a eu alliance entre les politiques mercantilistes chinoises et les stratégies des multinationales à travers les trois M (monnaie yuan sous-évaluée, main-d’œuvre disponible et multinationales). Ce modèle a cependant des limites et des répercussions à l’intérieur de la Chine – les trois P : population, pollution et parti corrompu. L’eldorado est apparu comme un mirage dès lors que la Chine, en se mondialisant, devenait un concurrent. Le nouvel axe Moscou-Beijing et la nouvelle politique américaine réorientant ses priorités stratégiques en Asie de l’Est sont témoins de ces tensions.
La seconde partie, qui concerne plus directement l’Europe et la France, traite du retour de l’Allemagne. L’auteur y développe clairement le thème de la montée de la puissance allemande, sa domination de l’Europe tout en gardant les mains libres et sa volonté d’étendre l’hinterland au monde. L’ouvrage se termine sur une note pessimiste affirmant que la France est désormais exclue du kriegspiel mondial.
Ce livre clair, cultivé, témoigne d’une pensée originale qui suscite la réflexion. La grande Histoire est illustrée par les petites histoires des liens entre les multinationales et les puissances politiques, révélatrices d’une économie politique liant richesse et pouvoir. Le choc des empires est fondé sur une conception du monde qui ne dissocie pas l’économie globale des puissances nationales et des empires. La mondialisation n’est pas heureuse et la guerre toujours possible. L’Histoire, néanmoins, ne se répète pas : la mondialisation anglaise du XIXe siècle diffère de la mondialisation américaine du XXe siècle et des nouveaux équilibres géopolitiques actuels. Dans la nouvelle « globocratie », les élites globalisées n’ont pas les mêmes intérêts que les classes moyennes paupérisées. La réponse de la France à ces nouveaux défis apparaît urgente.
L’originalité de cet ouvrage, qui fait suite à Mourir pour le yuan (François Bourin), paru en 2011, est d’introduire l’Allemagne qui, renforcée par sa réunification, impose son modèle économique à l’Europe. À côté de la nouvelle bipolarité liant, à l’échelle mondiale, la Chine mercantiliste et les États-Unis rentiers, on observe au sein de l’Europe une coexistence entre une Allemagne mercantiliste et les pays méditerranéens plombés par la dette. La principale question posée par l’ouvrage est alors de savoir qui, des États-Unis, de la Chine ou de l’Allemagne dominera l’économie-monde ?
La première partie sur l’affirmation de la puissance et de la richesse de l’empire du Milieu a déjà été largement traitée dans la littérature. Elle n’en est pas moins bien informée et claire. L’auteur rappelle comment la Chine a pris sa revanche vis-à-vis de l’humiliation historique et de la marginalisation qu’elle a subies au XIXe siècle. Le partenariat global entre la Chine et les États-Unis a ainsi fait place à un duel global. Il y a eu alliance entre les politiques mercantilistes chinoises et les stratégies des multinationales à travers les trois M (monnaie yuan sous-évaluée, main-d’œuvre disponible et multinationales). Ce modèle a cependant des limites et des répercussions à l’intérieur de la Chine – les trois P : population, pollution et parti corrompu. L’eldorado est apparu comme un mirage dès lors que la Chine, en se mondialisant, devenait un concurrent. Le nouvel axe Moscou-Beijing et la nouvelle politique américaine réorientant ses priorités stratégiques en Asie de l’Est sont témoins de ces tensions.
La seconde partie, qui concerne plus directement l’Europe et la France, traite du retour de l’Allemagne. L’auteur y développe clairement le thème de la montée de la puissance allemande, sa domination de l’Europe tout en gardant les mains libres et sa volonté d’étendre l’hinterland au monde. L’ouvrage se termine sur une note pessimiste affirmant que la France est désormais exclue du kriegspiel mondial.
Ce livre clair, cultivé, témoigne d’une pensée originale qui suscite la réflexion. La grande Histoire est illustrée par les petites histoires des liens entre les multinationales et les puissances politiques, révélatrices d’une économie politique liant richesse et pouvoir. Le choc des empires est fondé sur une conception du monde qui ne dissocie pas l’économie globale des puissances nationales et des empires. La mondialisation n’est pas heureuse et la guerre toujours possible. L’Histoire, néanmoins, ne se répète pas : la mondialisation anglaise du XIXe siècle diffère de la mondialisation américaine du XXe siècle et des nouveaux équilibres géopolitiques actuels. Dans la nouvelle « globocratie », les élites globalisées n’ont pas les mêmes intérêts que les classes moyennes paupérisées. La réponse de la France à ces nouveaux défis apparaît urgente.