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Le capitalisme en 10 leçons.
Michel Husson Édition Zones, Paris, 2012, 253 p.
Les livres d’économie sont souvent laborieux et ennuyeux à lire pour les béotiens. Celui de Michel Husson remet ce jugement en cause. L’auteur, économiste membre du conseil scientifique de l’Association pour la taxation des transactions financières et pour l’activité citoyenne (ATTAC) a associé le dessinateur et directeur de Charlie Hebdo, Charb, à son œuvre. Le résultat est un ouvrage vivant, de lecture aisée, voire divertissante grâce aux dessins souvent drôles et très bien associés au texte.
De quoi parle ce livre ? Du capitalisme et des questions qu’il soulève, depuis que ce système « est rentré dans une ère de rendements décroissants » (p. 6) selon les mots de l’auteur. Ce dernier tente de démontrer que c’est avant tout un mode d’organisation sociale d’une part, et qu’il est instable par nature d’autre part. L’analyse critique du capitalisme contemporain est ici faite sur la base de nombreux outils d’analyse marxiste. Le chapitre deux « D’où vient le profit ? » est le plus éloquent à cet égard puisqu’il remet en cause les approches néolibérales des notions de profit et de répartition des richesses alors que le concept de force de travail en tant que marchandise y est aussi largement abordée. Ambitieux chapitre, il présente au lecteur le cadre idéologique – et théorique – nécessaire à la compréhension plus générale du capitalisme.
L’auteur souligne, dans le chapitre « Pourquoi les riches sont-ils plus riches ? », que le capitalisme a permis l’essor considérable de la productivité du travail mais aussi qu’il se heurte dorénavant à des limites liées au partage du surplus, à la répartition des richesses et à la hausse des inégalités. « La théorie du trickle down a donc fait faillite et fait partie de ces idées mortes qui survivent comme des zombies » (p. 73) conclut-il.
« De quoi avons-nous (vraiment) besoin ? » est le titre interpellateur du quatrième chapitre. Il aborde d’une façon intéressante la notion des besoins, autour de la valeur d’usage des biens. Son approche est sociologique et explique que ces besoins sont historiquement et sociologiquement déterminés et qu’ils ne peuvent s’adapter facilement à la notion de rentabilité qui caractérise la production capitaliste. De là, l’auteur commente que le capitalisme « exclut (ou cherche à limiter) tout ce qui relève du temps libre et de la gratuité, comme tout ce qui échappe à la marchandisation » (p. 92). Le problème des biens sociaux non rentables ou monétisables est cité comme un élément clé des limites du capitalisme contemporain.
Dans son chapitre cinq « Qu’est-ce qui n’est pas une marchandise ? », M. Husson attribue une large place au savoir. Il souligne aussi que « le capitalisme a été progressivement contraint à un progrès social qui implique forcément un certain degré de démarchandisation » (p. 143).
Les autres chapitres constituent moins un cours illustré du capitalisme que des exemples thématiques de sa croissance socialement et écologiquement inopérante. Le « capitalisme vert », la mondialisation, l’Europe et sa dette, ainsi que les crises sont respectivement commentés. La question de l’écotaxe est abordée par l’auteur qui conclue que le « capitalisme vert » est impossible parce qu’il impose au système « des règles étrangères qui lui sont totalement étrangères » (p. 161). Au sujet de la mondialisation, il précise qu’« elle remet en cause la validité des théories classiques de l’impérialisme » (p. 180) différemment de l’internationalisation qui l’a précédé, et souligne le rôle du couple Chine-États-Unis. Quant à la crise actuelle, l’auteur affirme que les liaisons dangereuses avec le capitalisme rentier l’explique en grande partie.
La conclusion du livre est morose avec un dernier thème intitulé « Pourquoi on va dans le mur ». Compte-tenu des positions idéologiques de l’auteur, sa remarque finale selon laquelle le capitalisme « est un obstacle au bien-être de l’humanité » (p. 249) ne devra étonner personne.