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Le bilan d’Obama.
Olivier Richomme et Vincent Michelot (dir.) Presses de Sciences Po, Paris, 2012, 370 p.
Pariant sur l’intérêt que susciteront les élections du 6 novembre 2012, les Presses de Sciences Po publient sous le titre Le bilan d’Obama les actes d’un colloque qui s’est tenu en janvier 2011 à Lyon. Avec une douzaine de collègues français et américains, Olivier Richomme et Vincent Michelot cherchaient à distinguer, dans les deux premières années de la présidence Obama, la part du volontarisme et celle des contraintes structurelles héritées des précédentes administrations.
Certes, l’élection de ce fils d’immigré kenyan, avait soulevé l’immense espoir d’une rupture radicale avec la présidence honnie de George W. Bush. Pourtant, le contexte implique une certaine continuité : « We may live in the age of Obama (…) but it’s still Bush’s world » comme l’écrit Julian E. Zelizer dans le Washington Post en août 2010.
En politique extérieure, le « guerrier réticent » qu’est Barack Obama (Alexandra de Hoop Scheffer, p. 45) hérite de deux guerres, en Irak et en Afghanistan, et d’un camp d’internement à Guantanamo dont l’existence scandalise le monde. « Conséquentialiste » selon l’expression de Ryan Lizza du New Yorker, il retire les GI’s d’Irak mais est contraint paradoxalement d’en augmenter le nombre en Afghanistan. À Guantanamo qu’il ne parvient pas à fermer, il est « l’otage de la situation, léguée par George W. Bush » (David O’Brien, p. 280). Au Moyen-Orient, après avoir annoncé un soutien très net à Israël, il est « à la remorque de l’État hébreu » (Antoine Coppolani, p. 87) et malgré les envolées du discours du Caire, laisse le fossé se creuser entre Israéliens et Palestiniens. Le Nobel de la paix est devenu « le Nobel de l’absence de paix » (p. 64). Sacrifiant les droits de l’homme sur l’autel des intérêts économiques et stratégiques, il renoue le dialogue avec la Chine entamé par les Bush père et fils (Jean-Baptiste Velut). En Amérique latine, les initiatives de G.W. Bush sont poursuivies (lutte contre le narcotrafic, endiguement de la rhétorique castro-chaviste…) avec un discours plus respectueux (Isabelle Vagnoux). L’Europe poursuit sa lente relégation stratégique amorcée depuis la fin de la Guerre froide (Justin Vaïsse).
Les contraintes sont plus fortes encore en politique intérieure. Car, même si les institutions américaines se sont fortement présidentialisées. François Vergniolle de Chantal rappelle quel contre-pouvoir est le Sénat où, faute de détenir la super-majorité, le parti du président s’expose à voir ses projets s’enliser dans le filibuster. L’extension de la couverture maladie (Joseph White), la régulation de Wall Street (Alix Meyer) ou l’échec de la réforme de la politique migratoire (James Cohen) illustrent les interminables tractations auxquelles l’Administration Obama s’est vue contrainte. Les projets ainsi adoptés ne satisfont personne : ni l’opposition républicaine qui n’en voulait pas, ni la majorité démocrate qui critique les concessions faites aux conservateurs modérés dont le soutien est crucial.
Ces contraintes expliquent le « bilan en demi-teinte » de la présidence Obama, marquée par une hausse sans précédent du chômage. Il a été sanctionné par une lourde défaite aux midterm elections : le Parti démocrate a perdu la majorité à la Chambre et ne l’a conservée que de justesse au Sénat. Pourtant, une analyse fine du résultat des élections montre que la coalition d’Obama s’est moins désagrégée que démobilisée. Elle sera son principal atout pour l’élection de novembre 2012 d’autant que le président sortant peut compter sur une levée de fonds massive et sur un adversaire républicain qui peine à faire l’unanimité dans ses rangs.
Toutefois la réélection d’Obama risque de s’accompagner de la perte du Sénat. Dans ce contexte de divided government, où un parti contrôle la Maison-Blanche et l’autre le Congrès, Obama pourrait se recentrer sur la politique étrangère. Il aurait alors l’opportunité historique durant ce second mandat, de prouver qu’il mérite le prix Nobel qui lui a été trop tôt décerné.