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L’apocalypse n’est pas pour demain. Pour en finir avec le catastrophisme
Bruno Tertrais Paris, Denoël, 2011, 277 p.
« La planète et l’humanité vont bien mieux qu’on ne le croit (…) l’avenir est beaucoup moins sombre qu’on ne le dit » (p. 10). En défendant une vision plus sereine de nos sociétés et de leur avenir, Bruno Tertrais est politiquement incorrect. En refusant de céder au catastrophisme ambiant et en questionnant la pertinence du principe de précaution en passe d’être érigé en dogme, il fait aussi preuve de courage.
L’heure, dit-il, est aux Cassandres. Quand on ne prédit pas la fin du monde, on annonce la fin de notre planète, le réchauffement climatique, l’extinction des ressources énergétiques, le tarissement de la biodiversité, la multiplication des catastrophes naturelles… L’heure est à la peur et au soupçon. La médecine, la technologie, la chimie, qui permirent longtemps l’amélioration de la condition humaine sont désormais tenues en suspicion. On prête les plus noirs desseins aux firmes pharmaceutiques, aux grands groupes pétroliers, aux géants de l’agroalimentaire. L’avenir n’est plus source d’espoir, mais au contraire d’angoisse. Si la génération de nos parents croyait encore dans le progrès, nous aspirons tout au mieux à léguer à nos enfants la Terre dans le même état que celui dans lequel nous l’avons trouvée. La société construite sur ces principes est « craintive (…), minée par le sentiment de vulnérabilité, obsédée par le risque zéro » (p. 75).
Battant en brèche quelques idées reçues, B. Tertrais montre que nous n’avons jamais dans l’Histoire été aussi bien nourris, soignés, éduqués et protégés.
Il dénonce surtout l’idéologie environnementaliste et ses sombres prédictions, qui sous-estiment les capacités d’adaptation des ressources humaines. Ainsi de l’idée d’une Terre « finie » qui repose sur une vision statique des ressources et ignore que le prix constitue un facteur d’ajustement extraordinaire. Qu’il s’agisse de la surpopulation, de la déforestation, du manque d’eau, des pluies acides ou du trou dans la couche d’ozone, B. Tertrais montre, qu’à rebours d’une vision conservationniste qui relève du fétichisme de la Nature, ces problèmes dont la réalité scientifique n’est pas toujours certaine peuvent être appréhendés sans verser dans le catastrophisme.
C’est au réchauffement climatique qu’il consacre les plus longs développements. Il procède à une relecture attentive des rapports du GIEC pour en stigmatiser les erreurs méthodologiques et les résumés biaisés. Sans doute, admet-il, le climat se réchauffe mais il insiste sur les incertitudes qui entourent les causes de ce réchauffement. Surtout, dit-il, l’ampleur du réchauffement prévisible est exagéré et ses conséquences potentielles dramatisées. A titre d’exemple, le réchauffement climatique devrait permettre d’étendre les surfaces agricoles (en permettant l’exploitation des immenses pergélisols du nord du Canada et de la Sibérie) et d’augmenter leur rendement.
Mais jamais B. Tertrais n’est-il plus convaincant que lorsqu’il évoque les soi-disant « nouvelles menaces » géopolitiques du siècle naissant. Il souligne combien la fin de la Guerre froide a conduit à une pacification de la planète et à une diminution des risques. On a certes, depuis le 11-Septembre, érigé le fondamentalisme islamiste en nouvel Ennemi. Mais il a raison de rappeler l’échec de l’islamisme politique et l’impasse du terrorisme al-qaidiste. Et si la suprématie américaine sera relativisée par l’émergence de nouvelles puissances, la marginalisation du modèle occidental n’est pas pour demain.
On peut certes questionner la légitimité de B. Tertrais, expert des questions militaires et stratégiques, à mettre en cause certaines vérités scientifiques tenues pour acquises dans le domaine de l’écologie ou de la climatologie. Son réquisitoire, par son systématisme, verse parfois dans les excès qu’il dénonce : il est tout autant caricatural d’affirmer que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes que d’annoncer la Fin du Monde.
Pour autant, le livre de B. Tertrais a le mérite de souligner les dangers du catastrophisme ambiant, ses dérives autoritaristes, son coût exorbitant, sa philosophie délétère et de promouvoir, au contraire, un progressisme éclairé et confiant dans la capacité humaine à résoudre les défis sanitaires et environnementaux.