See English version below « Ça s’est passé comme ça ». Ceci...
L’Amérique après Obama
Amy K. Greene Éditions Autrement, Paris, 2012, p. 190.
Le livre d’Amy Greene est un ouvrage simplement essentiel. Il ne prétend pas expliquer les dessous de la vie politique américaine, ni formuler des propositions révolutionnaires sur le futur des relations transatlantiques. Il a vocation à rappeler de manière extrêmement claire et intelligente, les grandes règles et principes qui guident la vie politique américaine, souvent si difficiles à intégrer dans nos analyses sur ce pays. Diplômée de l’Université de Pennsylvanie et de Sciences Po Paris, A. Greene exprime dans les deux contextes culturels, les incompréhensions et les divergences de perception sur des problèmes communs. Elle analyse par exemple l’illusion, qui habite les Européens, sur le charisme de Barack Obama et la différence essentielle avec l’opinion américaine. Elle rappelle les trois « valeurs fondatrices » américaines que sont le capitalisme, l’individualisme et la religion qui sous-tendent le sentiment « d’exceptionnalisme américain ». Dans la politique extérieure comme dans les débats de politique intérieure, ce sentiment est la valeur centrale autour de laquelle se joue l’élection présidentielle. L’auteur dresse un certain nombre de portraits de responsables républicains, potentiels candidats aux primaires. Avec le recul (le livre a été publié en janvier 2012) et le déroulement des primaires du Grand Old Party, on mesure mieux la justesse de certaines de ces biographies, et les stratégies qui peuvent parfois nous paraître surprenantes adoptées par les uns et les autres. La partie incontestablement la plus intéressante est son analyse du fossé des générations entre les baby boomers (nés dans les années d’après guerre) actuellement aux postes de responsabilité et les millenium (ceux nés dans les années 1970 et 1980) dont les aspirations, les rapports à la politique et les perceptions de politique étrangère diffèrent assez profondément. Aux Européens, elle fait remarquer la perte (relative) de sens de la relation transatlantique vue de l’autre côté de l’océan. La géopolitique américaine est davantage orientée vers l’Asie, et la difficulté des Européens à construire un nouveau langage et de nouveaux rapports explique la distanciation croissante par rapport à l’opinion intérieure américaine. Sa dernière partie sur « What’s new. Les conséquences potentielles (de l’élection présidentielle) de 2012 » mérite d’être lue dès à présent mais aussi et surtout après les élections de novembre, comme toutes les tentatives d’analyse prospective. La description qu’A. Greene fait d’un échec hypothétique de B. Obama, et donc le retour d’un républicain dont le parti a engagé des relations nauséabondes avec le mouvement du Tea Party, est inquiétante. Contrairement à l’opinion dominante de ce côté-ci de l’Atlantique, la popularité de B. Obama et sa réélection ne sont pas mécaniquement liées. Le retour de républicains aux affaires laisserait selon A. Greene augurer de grandes tensions internationales avec les pays émergents, les Alliés et les pays rivaux les « competitors ». Il est vrai qu’on a le sentiment que les candidats républicains rivalisaient de menaces de guerre mais sans savoir si cela se ferait contre l’Iran, la Chine ou la Russie.
Le livre d’A. Greene a le mérite de parler clairement, à partir d’analyses précises et de son vécu, d’un pays que tout le monde croît connaître. Il est vrai que lorsque l’on observe avec un regard extérieur, les programmes des différents candidats aux primaires républicaines, ceux-ci donnent l’impression d’entendre les discours de Marine Le Pen sur l’immigration, la sécurité interne et internationale, l’avortement… Mais la comparaison apparaît simpliste tant la différence d’histoire politique est grande entre les États-Unis et la France.