See English version below « Ça s’est passé comme ça ». Ceci...
L’Afrique va bien, 10 chapitres à l’usage de ceux qui disent que l’Afrique ne s’en sortira jamais
Matthias Leridon Paris, Les nouveaux débats publics, 2010, 208 p.
Cet ouvrage appartient à un type de publications devenu un véritable genre dans l’édition française dès lors qu’il s’agit du continent africain, celui du témoignage. Pourquoi l’expérience de l’Afrique conduit-elle nombre de responsables politiques, économiques, voire de chercheurs à offrir ainsi « leur » vision de l’Afrique ?
Il semble qu’un « marché » soit en cours de constitution qui trouve une place éditoriale entre deux grands « domaines ». Les publications sur l’Afrique en France sont en effet soit très spécialisées, destinées à un petit public d’érudits et réservées à un nombre restreint d’éditeurs universitaires, soit au contraire délibérément « grand public » mettant l’accent sur les affaires politico-financières (Affaire Elf), les amitiés entre dirigeants politiques et acteurs économiques (« L’Afrique de De Gaulle », « Chirac et l’Afrique », « l’Afrique de Sarkozy », publications de l’association Survie dénonçant la Françafrique Noir Silence). En général fruit d’enquêtes d’investigation de type journalistique, cette catégorie d’ouvrage ne donne qu’un aperçu volontairement spectaculaire voire « mortifère » de l’actualité du continent (voir par exemple Négrologie de Stephen Smith). Entre les deux donc, le témoignage personnel de dirigeants d’entreprises, d’hommes politiques (on pense au petit livre de Michel Rocard Pour une autre Afrique paru en 2002) et autres acteurs qui décident de nous livrer leur vision de l’Afrique, issue d’une expérience professionnelle, personnelle (liens familiaux, amicaux, etc.) et personnifiée. M. Leridon, conseiller de grands groupes en communication le raconte ainsi en introduction : « Je suis devenu africain de cœur et d’âme un matin de décembre 1976 (…) j’ai appris à connaître ce continent ou plutôt à le vivre, car, en Afrique, ce qui me touche, c’est cette incroyable capacité à vivre, à faire de chaque seconde de l’existence une goutte d’énergie joyeuse et d’espérance » (p. 24).
L’expérience personnelle de l’auteur dicte la construction de l’ouvrage et – comme indiqué dans le sous-titre – la volonté de déconstruire l’idée selon laquelle « l’Afrique ne s’en sortira jamais ». Un objectif recherché plus directement par Vincent Hugueux dans un ouvrage récent : L'Afrique en face - Dix clichés à l'épreuve des faits. On suit donc l’auteur dans sa découverte et son étonnement des dynamiques contemporaines du continent africain. Il s’arrête longuement sur les éléments de sa rencontre, la fascination pour le développement des télécoms (chapitre 4), l’internet (chapitre 5), les médias (6), des domaines que l’auteur connaît bien de l’intérieur. Il s’engage sur des voies plus hasardeuses avec un chapitre sur l’espoir face à l’épidémie du sida, un thème sur lequel les auteurs abordant l’Afrique aujourd’hui n’osent pas faire l’impasse. Un chapitre sur le sport qui a le mérite de ne pas aborder que la Coupe d’Afrique des Nations de football ou la dernière coupe du monde en Afrique du Sud pour présenter le développement et le succès du cyclisme. L’auteur qui est également mécène et collectionneur consacre un chapitre à l’art contemporain africain. Fasciné par l’ « inventivité » et la « créativité » des Africains, M. Leridon est trop centré sur cette rencontre ultra « afro-optimiste » pour pouvoir en livrer une quelconque problématisation économique et politique qui resterait attentive, dans tous les domaines abordés (développement économique, artistique, sportif), aux mécanismes qui perpétuent des inégalités profondes entre nations européennes et africaines par exemple à travers des politiques toujours plus restrictives d’immigration.