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L’Afrique, nouveau terrain de jeu des émergents
par Sébastien Santander (dir.) - Paris, Karthala, 2014, 324p.
Cet ouvrage collectif, porté par le Center for International Relations Studies (CEFIR) de l’Université de Liège et dirigé par le professeur Sébastien Santander, traite de l’insertion croissante des pays « émergents » sur le continent africain. Il s’articule en cinq parties : les trois premières traitent respectivement des liens qu’entretiennent les pays d’Asie, d’Amérique latine et d’Eurasie avec l’Afrique ; viennent ensuite deux parties thématiques ayant trait, d’une part, à la question des coopérations Sud-Sud et triangulaires autour de l’aide au développement et, d’autre part, des stratégies que les pays africains mettent en œuvre face à ces nouveaux acteurs. Bien que tardif en Afrique, le processus de mondialisation a finalement permis une redistribution des cartes entre les anciennes puissances coloniales et les émergents sur un continent à la fois convoité pour ses ressources naturelles et humaines, courtisé pour ses enjeux géopolitiques, et connecté au monde par la diversification de ses partenaires et son insertion réticulaire – notamment par le biais d’Internet et du développement des transports. Le développement de ces relations passe notamment par les instruments classiques diplomatiques, militaires, économiques mais aussi, de plus en plus, par les réseaux d’influence, le soft power et un ensemble de partenariats.
L’ouvrage propose d’étudier ces dynamiques par le biais d’une pluralité d’éclairages donnant du relief à cet objet multiforme. Il présente toutefois les faiblesses inhérentes aux travaux à contributions multiples – ici au nombre de 18 –, qui s’inscrivent rarement dans un cadre analytique fort ou une problématique commune pouvant se résumer en quelques lignes, et proposent des apports inégaux quant au sujet traité. Certains sujets, tels que les relations Chine-Afrique, Inde-Afrique ou Brésil-Afrique, n’apportent ainsi que peu de valeur ajoutée du fait d’une littérature déjà dense et malgré l’expertise reconnue de plusieurs auteurs. D’autres, moins étudiés, comme le rôle de la Turquie en Afrique ou des études de cas comme la question des partenariats Inde-Sénégal ou République démocratique du Congo (RDC)-Asie sont, au contraire, réellement novateurs.
Dans l’ensemble, cet ouvrage privilégie le rôle des émergents en Afrique en tant que terrain de jeu davantage qu’il ne présente les stratégies africaines face aux émergents, à l’exception du chapitre de Jean-Claude Mputu et Zacharie Baenda Fimbo. Par ailleurs, le concept d’« émergence », créé et mobilisé par les bureaux d’études et repris par des travaux académiques, aurait mérité un débat. S’agit-il de marchés émergents, d’économies émergentes, de puissances émergentes ? En quoi la notion d’émergence, en tant que rhétorique maritime, serait-elle préférable à celle de « décollage », qui renvoie à une métaphore aérienne, ou même à la notion terrestre de « rattrapage » ? En quoi les économies émergentes diffèrent-elles des pays « industrialisés » ou des nouveaux pays industriels ? Comment les puissances « émergentes » se situent-elles dans un monde qui tend à devenir multipolaire et quelle est leur place dans les nouvelles interprétations des relations inter ou transnationales ? La position de l’Afrique du Sud, à la fois pays émergent et africain, permet-elle un avantage sur ce terrain africain ?
Rédigé par des spécialistes de science politique et de relations internationales, le livre aurait pu privilégier les réflexions relatives aux notions de puissances asymétriques, de soft et de hard power, de pouvoirs relationnels ou structurels, du paradoxe de la force des faibles dans le cadre de cette nouvelle concurrence, et mobiliser les théories de l’économie politique internationale ou mondiale ainsi que des travaux de géopolitique. Il semble également faire abstraction de l’essentiel de l’importante littérature rédigée par les économistes à ce sujet.
L’ouvrage propose d’étudier ces dynamiques par le biais d’une pluralité d’éclairages donnant du relief à cet objet multiforme. Il présente toutefois les faiblesses inhérentes aux travaux à contributions multiples – ici au nombre de 18 –, qui s’inscrivent rarement dans un cadre analytique fort ou une problématique commune pouvant se résumer en quelques lignes, et proposent des apports inégaux quant au sujet traité. Certains sujets, tels que les relations Chine-Afrique, Inde-Afrique ou Brésil-Afrique, n’apportent ainsi que peu de valeur ajoutée du fait d’une littérature déjà dense et malgré l’expertise reconnue de plusieurs auteurs. D’autres, moins étudiés, comme le rôle de la Turquie en Afrique ou des études de cas comme la question des partenariats Inde-Sénégal ou République démocratique du Congo (RDC)-Asie sont, au contraire, réellement novateurs.
Dans l’ensemble, cet ouvrage privilégie le rôle des émergents en Afrique en tant que terrain de jeu davantage qu’il ne présente les stratégies africaines face aux émergents, à l’exception du chapitre de Jean-Claude Mputu et Zacharie Baenda Fimbo. Par ailleurs, le concept d’« émergence », créé et mobilisé par les bureaux d’études et repris par des travaux académiques, aurait mérité un débat. S’agit-il de marchés émergents, d’économies émergentes, de puissances émergentes ? En quoi la notion d’émergence, en tant que rhétorique maritime, serait-elle préférable à celle de « décollage », qui renvoie à une métaphore aérienne, ou même à la notion terrestre de « rattrapage » ? En quoi les économies émergentes diffèrent-elles des pays « industrialisés » ou des nouveaux pays industriels ? Comment les puissances « émergentes » se situent-elles dans un monde qui tend à devenir multipolaire et quelle est leur place dans les nouvelles interprétations des relations inter ou transnationales ? La position de l’Afrique du Sud, à la fois pays émergent et africain, permet-elle un avantage sur ce terrain africain ?
Rédigé par des spécialistes de science politique et de relations internationales, le livre aurait pu privilégier les réflexions relatives aux notions de puissances asymétriques, de soft et de hard power, de pouvoirs relationnels ou structurels, du paradoxe de la force des faibles dans le cadre de cette nouvelle concurrence, et mobiliser les théories de l’économie politique internationale ou mondiale ainsi que des travaux de géopolitique. Il semble également faire abstraction de l’essentiel de l’importante littérature rédigée par les économistes à ce sujet.