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La Riposte des paysans
Silvia Perez-Vitoria Arles, Actes Sud, Collection Essais sciences humaines et politiques - Questions de société, 2010, 304 p.
Il s’agit du deuxième ouvrage que Silvia Perez-Vitoria consacre à ce thème. Proche des mouvements altermondialistes, cette économiste et sociologue s’applique à prolonger le plaidoyer en faveur d’un retour à l’agriculture paysanne qu’elle a débuté avec Les paysans sont de retour.
La première partie du livre est consacrée à la description des dégâts occasionnés par l’agro-industrie (gaspillage de l’eau, usage d’intrants chimiques détruisant les sols, polluant les eaux et finissant dans nos assiettes, perte de biodiversité…). Au plan humain, l’analyse porte sur la distinction posée entre agriculteur et paysan. Le premier n’est qu’un maillon dans la chaîne agro-industrielle : il achète machines et intrants pour vendre des produits calibrés et normés répondant à la demande du secteur de la distribution qui a le quasi-monopole des débouchés. En plus des conséquences écologiques, l’agro-industrie transforme l’agriculteur en simple exécutant qui ne peut s’extraire des contraintes de l’amont ou de l’aval de sa production. Cette industrie est lancée dans une fuite en avant qui débouche, selon son analyse, sur une catastrophe aux conséquences écologiques et humaines à long terme. Malgré une tentative de l’agro-business de « s’habiller en vert » (labels en tout genre, bio récupéré), il n’en demeure pas moins une destruction de la nature et de la paysannerie aussi bien au Nord qu’au Sud.
La seconde partie s’attache à la recherche d’une définition du concept de paysan : il ne répond pas à des critères géographiques, humains ou sociaux. Pour l’auteur, la paysannerie se définit par plusieurs caractéristiques difficilement quantifiables (donc qui échappent aux instances internationales, Fonds monétaire et Banque mondiale, qui promeuvent le modèle agro-industriel) : attachement à la propriété commune et à la communauté, autoconsommation, production dans les limites de ses capacités, rejet des circuits commerciaux classiques, promotion des circuits alternatifs... Le critère le plus pertinent est celui de la recherche d’équilibre : le paysan qui connaît son « agrosystème » (grâce aux savoirs transmis au fil des générations) respecte les rythmes et les équilibres environnementaux, ne détruisant pas ce qui lui permet de produire et rejette la logique du rendement. Le paysan n’est pas un simple producteur de nourriture. Ses connaissances possèdent aujourd’hui une forte valeur ajoutée : herbicides et insecticides issus de plantation donc sans recours au pétrole, connaissances des vertus pharmaceutiques des plantes, etc.
La dernière partie de cet ouvrage militant évoque les différentes formes de riposte. Pour faire face à l’agro-industrie, ou l’industrie pharmaceutique qui se livre à la biopiraterie (pillage d’éléments naturel appartenant à un agrosystème), les paysans créent des mouvements (Via Campesina, Mouvement des Sans-Terre…) de concertation, de réflexion d’information et d’action pour faire connaître leur combat et leur volonté de proposer un autre modèle qui préserve l’homme, la nature et ceux qui la travaillent. Quelques victoires symboliques ont été remportées (fermeture d’une usine Coca-Cola du Kerala qui vidait les nappes phréatiques, lutte contre le brevetage du riz basmati…) mais les paysans demeurent vulnérables face au pouvoir de l’agro-industrie et de ses relais.
On regrette le caractère trop succinct de cet ouvrage qui cependant pose un diagnostic juste sur l’agriculture mondiale actuelle : le modèle n’est pas viable à long terme, coûteux et dangereux pour l’humain et la nature. Les solutions proposées ne sont que des réponses ponctuelles à un problème global. La riposte des paysans n’en est encore qu’au stade de la guérilla.