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La République de Dieu. Regards politiques d’un américain sur les États-Unis et l’Islam
Charles Cogan Paris, Jacob-Duvernet, 2008, 229 p.
Comment mêler aujourd’hui religion et politique sans prendre le risque de semer un désordre certain ? Les islamistes sont-ils seuls à réaliser cette confusion ? Les autres religions n’ont-elles pas connu également leurs violences, leur terrorisme ? Et les États-Unis face à tout cela ? Décrite justement comme « République de Dieu », l’Amérique messianique part à la conquête du monde pour le rendre meilleur car elle seule croit détenir la Vérité. « La République de Dieu a de plus trouvé son champion en la personne de George Bush », qui mieux qu’un président profondément croyant et qui prétend officiellement s’entretenir avec Dieu pouvait répandre le message démocratique et libertaire américain?
Face à cette Amérique se trouve une religion avec son lot d’idéologies : l’islam. Plus un mode de vie qu’une réelle théologie, cette religion ne sépare pas la politique de la vie religieuse et, selon l’auteur, lorsqu’une action est entreprise, elle est nécessairement légitime, car puisée dans une source divine : le Coran. Les protagonistes des deux Messages agissent dans la même logique et finalement dans la même confusion. L’Amérique a cédé le beau principe d’E Pluribus Unum, socle du multiculturalisme pour le In God We Trust, plus universel et qui la soumet au déterminisme.
Charles Cogan, agent de la CIA durant 37 ans, ayant servi dans plusieurs pays musulmans, nous fait part de différentes réflexions tantôt philosophiques, tantôt politiques et aborde des thèmes extrêmement complexes qu’il semble audacieux de brasser aussi largement. Ce n’est certes pas son ambition, mais la confusion est entretenue lorsque l’auteur prétend soudainement à une étude académique là où il s’agissait a priori de simplement faire partager son expérience. Il aborde ainsi, par exemple, le sujet épineux de l’Islam et la Démocratie, mais le survole en citant Bernard Lewis ou encore Olivier Roy, sans vraiment entrer dans le fond du problème. Il effectue ensuite un raccourci, citant la shura telle que conçue par le roi Fahd d’Arabie Saoudite. Cependant la shura en Islam désigne une assemblée représentative qui est donc élue par le peuple et non nommée, comme cela se pratique en Arabie Saoudite. Ces confusions, de la part d’un homme de cette expérience nous surprennent. Troublant, ainsi, de lire que les hadiths forment le recueil de la sunna et non l’inverse.
De même, le statut de la femme en Islam qui a fait l’objet de diverses études dont l’encyclopédie en six volumes d’Abu Chouqqa (Encyclopédie de la femme en Islam, éditions Al-Qalam, 2007) est abordé sans réelle objectivation. Le livre aurait gagné davantage en intérêt si l’auteur s’était limité à son ambition de réaliser des chroniques. L’ouvrage, qui s’apparente plus à une série d’études, laisse le lecteur sur sa faim. Il n’en demeure pas moins que les expériences d’un agent de terrain et les différentes missions décrites en Iran ou en Afghanistan, ainsi que la connaissance de fond des problèmes de l’Amérique au Moyen-Orient sont tout à fait fascinantes. Le livre interpelle sur les États-Unis d’aujourd’hui et leur devenir s’ils persistent à rester dans une démarche messianique.