La politique européenne d’immigration
Abdelkhaleq Berramdane et Jean Rossetto (sous la dir.) Paris, Karthala, 2009, 312 p.
Un ouvrage attendu pour rendre accessible un sujet complexe… et l’essai est plutôt raté. Là où il aurait été nécessaire de rédiger un manuel pédagogique et très structuré, l’éditeur nous propose un ouvrage collectif de nature composite, aux contributions inégales et parfois redondantes. Reflétant prioritairement une approche juridique, il ne traite qu’une partie du sujet.
Pourtant, le début de cet ouvrage était prometteur : le papier de Gérard-François Dumont fixait l’essentiel du sujet, suggérant, au-delà du commentaire sur les textes communautaires, les problématiques démographiques, sociologiques, politiques propres à la question migratoire dans les États membres. Il était heureusement suivi des explications d’Abdelkhaleq Berramdane sur les subtilités des dispositifs et de l’état des lieux de la construction institutionnelle et de Jean Rosseto sur l’esprit et les déclinaisons de l’approche globale et du Pacte européen sur l’immigration et l’asile. De ces chapitres, on retient quelques points essentiels :
La communautarisation de la politique d’immigration et d’asile est un processus théoriquement accepté par les États membres, dont l’intérêt est parfois facilement démontré (normes minimales pour l’asile ou contrôle des frontières), mais difficile à mettre en œuvre tant est sensible la question aux yeux de l’opinion publique ; en revanche, le traité de Lisbonne devrait accélérer cette communautarisation ;
L’approche globale – qui consiste à lier lutte contre l’immigration clandestine, amélioration de la gestion de l’immigration légale et aide au développement des régions de départ – semble s’imposer tant au niveau des politiques nationales que communautaires. Elle demeure l’objet de critiques, notamment sur le caractère fragile de l’équation « aide au développement = fin de l’émigration »[1].
L’accent mis sur la lutte contre l’immigration clandestine, qui s’est traduite par des mécanismes opérationnels (Frontex, officiers de liaisons), tend désormais à externaliser le contrôle des frontières dans les États tiers, principalement en Afrique du Nord. Plusieurs chapitres de l’ouvrage détaillent comment ces accords avec les pays maghrébins lient les avantages économiques et financiers accordés par l’Europe à une coopération plus rigoureuse pour lutter contre l’immigration clandestine.
Certaines contributions adoptent un ton trop militant et n’envisagent dès lors le sujet que sous un angle restreint, généralement la protection des intérêts des migrants, fussent-ils clandestins ; or, les réflexions et études sur le sujet tendent aussi à faire le bilan de la migration à l’échelle de toute une société, et du point de vue des pays d’accueil. La question de l’intégration, qui relève aussi de la politique européenne, n’est pas vraiment abordée. Le débat sur les avantages et inconvénients de la migration professionnelle, et sur les possibilités réelles des migrations circulaires, n’est pas développé. Or, cet aspect est essentiel : au moment où d’autres pays (Amérique du Nord, Océanie… et Grande-Bretagne) attirent les meilleurs talents des pays émergents, l’Europe ne parvient pas à organiser une politique efficace d’attraction et d’accueil.
[1]. Cf. le rapport du Programme des Nations unies pour le développement humain (PNUD) 2009 : « Overcoming Barriers : human mobility and development ».