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La politique étrangère de la France depuis 1945
Frédéric Bozo Flammarion, Paris, 2012, 310 p.
Cet ouvrage de référence décrypte et tente de définir les principales évolutions de la stratégie internationale française depuis la Seconde Guerre mondiale, à travers l’étude de ses dynamiques internes et de ses contraintes externes. Aussi, les choix politiques des dirigeants, la situation économique et l’impact du passage de la IVe à la Ve République sont autant d’éléments que l’auteur analyse minutieusement pour commenter les actions de la France sur la scène internationale. Il ne néglige pas pour autant de mentionner les évolutions structurelles qui ont influencé ses décisions : choc pétrolier de 1973, fin de la Guerre froide, unilatéralisme américain, mondialisation. L’auteur explique, par ailleurs, que la politique extérieure de la France s’est construite, tout au long de cette période, autour du contraste entre son ambition et la réalité de ses moyens. La volonté de restaurer le « rang » qui était le sien dans le concert des nations, est ainsi au cœur de la politique étrangère gaullienne pendant et au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Sous la IVe République, la diplomatie française est largement influencée par les contraintes externes liées aux guerres coloniales, à la dépendance économique et stratégique vis-à-vis des États-Unis et aux défis d’une résurgence de l’Allemagne de l’Ouest comme État souverain. Force est de constater une volonté inébranlable de préserver et de renforcer une indépendance en matière de défense, symbolisée par le lancement d’un programme nucléaire militaire, et de garantir le développement économique du pays via le projet de la construction européenne, entériné par la signature du traité de Rome en 1957. Le retour de Charles de Gaulle au pouvoir en 1958 est causé par l’incapacité des dirigeants français à régler la question algérienne et à une urgence institutionnelle de repenser la politique étrangère. Autrement dit, le changement de régime est aussi un moment de redéfinition de la puissance française.
Dans le contexte de la Guerre froide, sa politique extérieure s’est d’abord construite autour de la décolonisation de son Empire et de l’impératif d’une construction européenne viable pour restaurer un rayonnement international perdu. En filigrane de cet ouvrage, est mis en lumière, la continuité de cette politique sous la Ve République, quels que soient les changements liés au style personnel de chacun des présidents. En effet, la logique de « rupture » voulue par Nicolas Sarkozy, s’inscrit largement dans la cadre déterminé par ses prédécesseurs, en dépit des velléités de rapprochement avec Washington.
Ces continuités concernent notamment la stratégie moyen-orientale de la France telle qu’elle fut définie par le Général de Gaulle après 1967. À cet égard, l’auteur souligne à juste titre qu’il existe un vrai débat sur le terme d’une « politique arabe », ce qualificatif fut en effet rejeté avec force par Roland Dumas qui s’appuie sur la diversité du monde arabe, alors que Jacques Chirac n’hésitera pas à l’utiliser dans son discours du Caire en 1996. Il n’en reste pas moins qu’il existe un véritable consensus s’agissant de la politique française au Moyen-Orient qui transcende les partis politiques.
L’un des principaux mérites de cet ouvrage est d’offrir au lecteur une profondeur historique permettant d’appréhender le dilemme actuel de la diplomatie française : comment préserver un statut de puissance moyenne de rang mondial dans un contexte de bouleversement de la hiérarchie des puissances ? Selon l’auteur, la réponse se trouve peut-être, dans la mise en œuvre d’une stratégie européenne renforçant la position de la France sur la scène internationale.