La persécution des chrétiens aujourd’hui dans le monde
Raphaël Delpard Paris, Michel Lafon, 2009, 286 p.
Dans le contexte actuel, bon nombre d’évènements sociaux, culturels ou politiques sont analysés à travers le prisme du facteur religieux. Qu’on se souvienne des caricatures du Prophète, du discours du pape à Ratisbonne ou encore du film anti-islamique du député Geert Wilders, et de l’émoi qu’ils ont suscité dans la presse.
Face à ce malaise et à ces amalgames sociaux-religieux, Raphaël Delpard tente une approche objective, en dénonçant la persécution des chrétiens dans le monde. Le sujet peut sembler très intéressant et apporter un nouvel éclairage à la tension latente qui existe entre les différentes religions, principalement chrétiennes et musulmanes.
Or malheureusement, l’ouvrage, mal structuré, n’aborde aucune problématique et ne propose aucune analyse ou réponse aux questions soulevées. Malgré le fait qu’il s’agisse d’une enquête menée par l’auteur dans vingt pays, l’on ne retrouve pas les statistiques nécessaires concernant la répartition géographique des chrétiens, la description de l’environnement social du pays dans lequel se déroule l’enquête, ni la carte politique et ses enjeux.
Dans un souci d’objectivité, l’auteur se dédouane de tout parti pris, en se présentant comme athée : « Je n’agis pas par militantisme chrétien. Je suis athée » (p. 16), approche peu scientifique – et par conséquent peu objective – pour un sujet si délicat.
La première partie intitulée : « Vivre en terre hostile », aborde la persécution des chrétiens dans le monde. Ce « tour d’horizon » n’est qu’une succession de tristes faits, dénonçant le sort de chrétiens « tués », « torturés », « violés » ou « emprisonnés ». Rédigés en de cours paragraphes, sans aucune transition, l’on a l’impression d’avoir affaire à des coupures de presse, dénudées de toute analyse et problématique. L’auteur ne nous éclaire pas sur les causes profondes de ces persécutions.
L’on se demande même si Raphaël Delpard maîtrise les différentes notions et courants de l’islam, puisqu’à la page 113 de son ouvrage, il écrit : « Ce père aimé et craint entraîne son fils dans des réunions soufies – il s’agit d’une famille très radicale de l’islam ». Une définition qui ferait, certes, bondir Pierre Lory, éminent expert du soufisme et de la mystique musulmane.
La deuxième partie, « le monde malade de l’antichristianisme », commente le sort de chrétiens persécutés dans 13 pays. Le pari est ambitieux, mais les commentaires souffrent « d’inégalité ». Si pour l’Algérie l’on retrouve une analyse intéressante de 38 pages, la Biélorussie ne compte que... 2 pages de commentaires. Là encore, l’auteur n’approfondit pas la « nature » de ces persécutions, si elles sont religieuses (Afghanistan, Irak) ou politiques (Corée du Nord).
Dans la majorité des cas de chrétiens persécutés, il s’agit d’évangélistes connus surtout pour leur prosélytisme dans le monde arabe. Il est dommage que R. Delpard ne se soit pas attardé sur la tension régnante dans le monde arabe face à ces « missionnaires » comme ils sont qualifiés. Le cas égyptien est très significatif : si l’auteur dénonce l’enlèvement de musulmanes converties au christianisme en Égypte, il omet de préciser qu’une vaste (fausse) campagne orchestrée sur Internet dénonce l’enlèvement dans des monastères de chrétiennes converties à l’islam, signe de la tension régnante.
L’ouvrage se clôt sur les « Annexes » qui présentent un survol rapide des pays d’Europe et de la situation des chrétiens dans cette zone. Puis, suit une liste de noms de chrétiens persécutés dans le monde, ainsi que le statut de plusieurs associations « d’aide aux chrétiens ». Le lecteur pourra non seulement apporter sa contribution à ces associations, mais aussi écrire à certains chrétiens emprisonnés.
La lecture de cet ouvrage si prometteur nous laisse insatisfait. Nous ne comprenons le pourquoi de ces persécutions, ni les véritables rouages qui les alimentent. Certes, l’on apprécie « le cri d’alarme » de l’auteur face à cette situation, mais les enjeux sont beaucoup plus compliqués qu’ils n’y paraissent dans ce livre.