Ce petit manuel est un guide intéressant pour qui veut clarifier ses idées sur un phénomène en phase constante de mutation : la mondialisation. Selon l'auteur, son avènement marque même la « fin de la préhistoire mondiale », la planète étant entrée dans une « phase de transformation sociale, technique constante et brutale ». La genèse du processus passe par des étapes intermédiaires : internationalisation et transnationalisation marquent les prémices de « l'accroissement de l'interdépendance des pays et des habitants en faisant disparaître les frontières ». Il en résulte une « intégration à la fois économique, sociale ou culturelle ». Trois grands principes président à celle-ci : la liberté (et l'auteur de souligner la bifurcation systémique mondiale qu'a induite l'abolition du système soviétique), le capitalisme et le libéralisme.
Les progrès de la technologie ont permis de lever les verrous qui, jusque-là, entravaient l'éclosion de la mondialisation. La course au gigantisme des moyens de transport a autorisé une formidable massification des flux physiques et humains cependant que la révolution de l'informatique a entraîné une mise en interconnexion du monde par des flux immatériels (capitaux, idées, informations...). En corrélation, les économies et les sociétés sont désormais tenues à une « surenchère technologique permanente » qui oriente plus que jamais les stratégies de développement vers une quête éperdue de l'innovation. Les fonctions incubatrices des structures économiques, sociales et politiques sont plus que jamais capitales : stimuler leur essor est une des missions les plus importantes pour des États que la mondialisation malmène dans leur souveraineté.
En géographe, Jean-Paul Paulet n'a garde d'omettre de mentionner que, loin de gommer l'espace, la mondialisation en accentue surtout les inégalités. Les États-Unis restent, à cet égard, le leader incontesté du système-monde cher à Olivier Dollfus. Ils ont su mettre en œuvre une véritable économie du savoir puisque sur les « 300 premières firmes de l'information et de la communication, la moitié sont américaines ». À rebours, « périphéries » et isolats restent les laissés-pour-compte de la mondialisation. Ce sont autant de « vides », voire de « régions oubliées », dont l'un des avatars est le sous-équipement technologique dérisoire : n'y a-t-il pas 50 fois plus d'internautes aux États-Unis que dans l'ensemble du continent africain ? Ces différentiels d'opulence alimentent des flux migratoires intercontinentaux particulièrement nourris, qui depuis 1990 ont encore augmenté de 23 %. Mais ce creusement des inégalités est surtout une réalité humaine, aggravant les phénomènes de ségrégation au cœur même de chaque société au détriment des plus pauvres. Ainsi, « entre 1960 et 1993, le revenu moyen mondial par habitant a été multiplié par 2,5. En revanche, durant la même période, les 20 % des habitants les plus riches ont vu la fraction du revenu mondial qu'ils possèdent passer de 70 à 85 % ; de même, la part des 20 % des plus démunis est passée de 2,3 % à 1,1 % ».
Actrices incontournables de la mondialisation, les firmes transnationales « font peur ». L'auteur décrit leurs logiques de fonctionnement, notamment les tactiques d'externalisation, plus ou moins grande, et de transnationalisation, plus ou moins effective, de la production. Les logiques réticulaires d'une entreprise comme General Motors reposent ainsi sur plus de 800 filiales assimilables à des « fusibles qui sautent en protégeant la maison-mère ». Remarquablement ajustées à la marche actuelle du monde, elles profitent des mouvements de libéralisation des économies pour tirer plus avant leur avantage sur la scène mondiale. Dès lors, elles n'hésitent guère à jouer du phénomène de délocalisation pour profiter des avantages comparatifs offerts par certains États émergents, et notamment la faiblesse du coût de leur main-d'œuvre. À tel point que des secteurs industriels entiers ont quasiment disparu des économies des États développés : la Chine fabrique, par exemple, 77 % des chaussures produites à l'échelle mondiale.
Phénomène frappant l'ensemble de l'œkoumène, la mondialisation a une portée biogéographique non négligeable. Facteur aggravant de certains excès environnementaux, elle contribue également à une prise de conscience mondiale des traumatismes subis par la plupart des écosystèmes, ce qui appelle des mesures de réaction globale, dont le Protocole de Kyoto est une des manifestations. La globalisation de l'approche environnementale est d'autant plus urgente que la population mondiale, qui s'urbanise toujours davantage, continue à croître, tout particulièrement dans les aires régionales les plus en retard de développement.