La justice des vainqueurs. De Nuremberg à Bagdad
Danilo Zolo Traduit de litalien par Etienne Schelstraete Paris, Jacqueline Chambon, 2009, 232 p.
Cet ouvrage, sorti en France trois ans après sa parution en Italie, est une charge contre les puissances occidentales – États-Unis et Grande-Bretagne en premier lieu –, instigatrices d’une justice universelle qui condamnent les vaincus, sans jamais se soumettre au droit qu’elles prétendent défendre.
Selon Danilo Zolo, professeur de droit à Florence, l’utopie d’une justice universelle vertueuse a laissé place à une justice dualiste. Celle-ci se caractérise, d’une part par l’impunité totale dont jouissent les grandes puissances politiques et militaires et, d’autre part par la justice des vainqueurs qui s’exercent sur les plus faibles après leur défaite. Il cite Radhabinod Pal, juge indien du Tribunal de Tokyo : « seule la guerre perdue est un crime international ». Cette dualité s’illustre à travers le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie qui a jugé « avec une grande sévérité » ses accusés tandis que l’OTAN n’a été soumise à aucune enquête pénale pour crimes de guerre suite aux 78 jours de bombardement ininterrompus en Serbie en mars 1999.
Le Tribunal de Nuremberg, n’ayant pas jugé les crimes de guerre américains, français, britanniques ou russes, est pour l’auteur le pêché originel de la cette justice des vainqueurs.
Sans concession pour les conventions internationales, l’universitaire oppose aux droits des puissances occupantes après un crime d’agression, les droits des territoires agressés (Afghanistan, Irak, Palestine) à la résistance armée, même menée par des troupes irrégulières.
Les chapitres consacrés aux concepts de guerre humanitaire et de guerre globale préventive décrivent comment, au nom de la sécurité globale et de la protection des droits de l’homme, les grandes puissances ont légitimé leur devoir « d’ingérence humanitaire », mettant à mal les principes westphaliens. Danilo Zolo passe au crible les thèses de l’américain Michael Ignatieff sur la croyance occidentale en l’universalité des droits de l’homme, lui qui envisage plutôt la protection des droits de l’homme dans la droite lignée de la traditionnelle « mission civilisatrice de l’Occident ». Il s’élève contre le dogme selon lequel ceux qui remettent en cause le « monothéisme impérial de la guerre humanitaire » seraient les nouveaux Barbares, contre lesquels il faudrait naturellement mener une guerre globale en employant tous les moyens de destruction. L’Irak depuis 2003 étant pour l’universitaire l’exemple par excellence de la nature « illégale et terroriste » de la guerre globale préventive.