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La guerre de l’énergie. La face cachée du conflit israélo-palestinien
David Amsellem Paris, Vendémiaire, 2011, 192 p.
La question énergétique n’apparaît que trop rarement dans les grilles d’analyse du conflit israélo-palestinien. Partant de ce constat, David Amsellem, doctorant à l’Institut français de géopolitique, a cherché dans son ouvrage à souligner l’importance du facteur énergétique dans l’évolution et la structuration du rapport de force entre les deux belligérants depuis 1948. Il entend démontrer l’enjeu que constitue la maîtrise de l’approvisionnement énergétique pour Israël et sa volonté de maintenir les Territoires palestiniens dans une situation de dépendance afin d’assurer son ascendant et sa sécurité. Pour ce faire, l’auteur se propose de définir le stress énergétique d’Israël avant de revenir sur les perspectives un temps offertes par la découverte de gisement de gaz offshore dans les négociations de paix, pour enfin insister sur les politiques israéliennes en matière électrique.
L’auteur démontre l’obsession de la sécurité énergétique de l’État hébreu, objectif poursuivi dès le départ par les fondateurs du mouvement sioniste qui y voyaient un élément indispensable à la consolidation de l’indépendance du futur État. Il est d’ailleurs rappelé que le tracé des frontières de ce dernier est, à l’époque, guidé par des considérations politiques et stratégiques, bien plus que bibliques. Cette volonté pragmatique de pérenniser son développement et son assise territoriale par l’approvisionnement énergétique demeurera une constante devant l’absence de ressources, illustrée par la déclaration de Golda Meir : « Ne me parlez pas de Moïse ! Il nous a traînés pendant quarante ans dans le désert pour nous emmener dans le seul endroit du Moyen-Orient où il n’y a pas de pétrole ! » (p. 80). Cette situation poussera rapidement l’État hébreu, « véritable îlot électrique » (p. 31) entouré de régimes arabes hostiles et fortement dotés en ressources, à trouver des sources d’approvisionnement alternatives (Venezuela, Mexique, URSS puis Russie), malgré le traité de paix signé avec l’Égypte, puis la Jordanie. Le cheminement israélien vers la sécurité énergétique est donc relaté avec de nombreuses précisions.
Cœur de l’ouvrage, la partie consacrée aux enjeux liés à la délimitation des espaces maritimes et des zones économiques exclusives via l’analyse du jeu des acteurs dans la course aux hydrocarbures en Méditerranée orientale se révèle véritablement passionnante, notamment du fait de l’intégration des dernières évolutions géopolitiques de la région (élections en Égypte, tensions avec la Turquie). L’auteur s’intéresse ainsi longuement aux tractations autour de la prospection et de l’exploitation des nombreux gisements offshore découverts à la fin des années 1990 et au cours des années 2000, qui ont laissé entrevoir un espoir de normalisation avant d’échouer.
Le dernier tiers du livre consacré à la naissance du réseau électrique dans la région souffre, pour sa part, de sa dimension essentiellement descriptive et historique, dont la mise en perspective tarde à venir.
Le style clair et concis de l’écriture rend la lecture aisée et agréable, tout comme les nombreux tableaux et graphes qui viennent illustrer les propos de l’auteur et faciliter la compréhension. Leur utilisation se révèle judicieuse, de même que la présence d’un cahier central de seize cartes, véritable point fort de l’ouvrage, facilement consultable et indispensable à la localisation précise des lieux étudiés (centrales, gisements, zones de délimitations). On appréciera la démarche de l’auteur dans son ensemble malgré certains choix étonnants comme l’emploi de Jérusalem pour désigner l’État d’Israël (p. 46). D. Amsellem évite cependant de tomber dans le parti pris, les abus israéliens étant dénoncés avec autant de vigueur que ceux du Hamas et l’instrumentalisation de la question énergétique par les parties au conflit solidement démontrée.