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La Guerre après la guerre. Images et construction des imaginaires de guerre dans l’Europe du XXe siècle
C. Delporte, D. Maréchal, C. Moine, I. Veyrat-Masson (sous la dir.) Paris, Éditions Nouveau Monde, 2010, 448 p.
Cet ouvrage collectif rassemble les contributions de 26 universitaires initialement réunis lors d’un colloque sur l’image et la guerre au xxe siècle en Europe. La grande cohérence qui lie les 26 articles présentés (dont deux en anglais) permet d’éviter les écueils habituels des actes de colloque et la stratégie de l’empilement.
L’objectif de cet ouvrage n’est pas d’analyser la production des images en temps de guerre, mais de voir comment elles permettent, après le conflit, d’alimenter les imaginaires de guerre et de bâtir ainsi ce que Christian Delporte appelle un « socle référentiel » qui marque toute lecture du passé. L’originalité de l’approche réside aussi dans la grande variété des images considérées : le cinéma et la télévision, certes, mais aussi l’architecture, la peinture et la sculpture.
La première partie, intitulée « Des images pour exprimer le traumatisme », embrasse tout le xxe siècle et un large espace géographique allant de la France aux Balkans. Les auteurs ont recours à une multitude de sources primaires et donnent ainsi un éclairage original sur leur objet d’étude : des récits fictionnels sur la bataille de Verdun, les monuments commémoratifs de la Grande Guerre ou encore les œuvres cinématographiques et picturales de Jürgen Böttcher.
Dans la deuxième partie, les auteurs s’intéressent aux « images pour construire et commémorer ». Si la construction de la mémoire collective et des lieux de mémoire font l’objet de nombreuses études ces dernières années, c’est là encore l’originalité des angles choisis qui permet de jeter un regard nouveau sur cette problématique. Ainsi, à titre d’exemple, Julia Aumüller s’intéresse-t-elle à la reconstruction de la cathédrale Saint-Étienne et de l’Opéra d’État de Vienne, deux sites détruits pendant les derniers mois de la guerre et dont la reconstruction fut fortement imprégnée de symbolisme.
La troisième partie de l’ouvrage traite des représentations de la guerre dans des productions visuelles et discursives postérieures au conflit. La télévision (italienne), le cinéma (celui d’Andreï Tarkovski et de René Clair notamment) et la bande dessinée sont autant de miroirs de la guerre analysés par les auteurs.
La quatrième et dernière partie s’intéresse aux reconstitutions de la guerre par les médias, notamment au travers de fictions historiques et de documentaires. L’apport de Denis Maréchal, co-directeur de cette publication et membre de l’INA, est précieux et offre une étude des représentations télévisuelles de la Première Guerre mondiale durant ces dix dernières années. La part belle est ensuite faite à la guerre d’Algérie et à son traitement au cinéma et à la télévision. Les auteurs, et tout particulièrement Isabelle Veyrat-Masson, démontrent que, contrairement à ce qui est souvent écrit et dit, la guerre d’Algérie a été traitée avec tout la rigueur nécessaire par la télévision.
La lecture de cet ouvrage s’avère éclairante et incontournable pour celui qui s’intéresse à la relation, souvent ambiguë et parfois brouillée, entre l’image et l’histoire.