La grande révolte indienne
Yvon Le Bot Paris, Robert Laffont, 2009, 378 p.
Yvon Le Bot, sociologue et directeur de recherche au CNRS, publie La grande révolte indienne, fruit de nombreuses études de terrain. Comme le laisse sous-entendre le titre, cet ouvrage aborde la question indienne de façon globale, de la Bolivie à la Californie en passant par l’Équateur. Un tel champ d’étude ne permettra pas à l’auteur d’entrer systématiquement dans le détail mais là n’est pas le but d’Yvon Le Bot qui souhaite avant tout donner à voir l’ampleur des questions identitaires, religieuses et culturelles et démontrer que la revendication de ces dernières par les Indiens n’est pas forcément assortie d’un recours à la violence. De plus, l’introduction détaillée révèle que l’objet d’étude central de cet ouvrage n’est pas le contexte politico socio-économique des mouvements indiens ni les antécédents historiques des revendications des communautés indiennes mais les Indiens eux-mêmes en tant qu’acteurs du changement de leur propre condition.
L’ouvrage d’Yvon le Bot se divise en quatre parties. La première d’entre elles dresse un panorama de l’émergence de la question indienne et résume son évolution au cours des dernières décennies. La méthode didactique employée par l’auteur qui propose notamment une chronologie fort utile permet une bonne entrée en matière au lecteur non averti, mais on regrettera que certains raccourcis ne permettent pas de rendre compte de la complexité de la question traitée.
Dans une deuxième partie, l’auteur met en parallèle deux voies d’actions adoptées par les Indiens, l’une pacifique comme ce fut le cas en Équateur, en Bolivie et au Chili, l’autre insurrectionnelle comme le montrent les exemples guatémaltèque, nicaraguayen et péruvien. Cette situation démontre que s’il est légitime de parler de mouvement indien au singulier, il ne faut pas pour autant oublier la diversité des actions menées par les Indiens dans leur quête de reconnaissance d’identité et leur conquête d’émancipation sociale et politique.
La troisième partie est quant à elle consacrée aux politiques multiculturelles à travers trois exemples : la Bolivie, l’Équateur et le Mexique (à travers le cas de l’État d’Oaxaca). Force est de constater que ce type de politique pèche plus par insuffisance que par excès et que sa portée se traduit davantage au niveau symbolique que dans la mise en œuvre de programmes concrets et novateurs.
Enfin, en quatrième et dernière partie, l’auteur montre que les questions auxquelles sont confrontés les Indiens aujourd’hui sont bien souvent les mêmes que celles que posent au reste du monde la globalisation, les phénomènes migratoires et les discriminations en tous genres (sexisme, racisme, etc.). Pour étayer son analyse, Yvon Le Bot se base notamment sur les exemples offerts par le Guatemala, le Mexique et la Californie.
L’ouvrage donne à voir une multitude d’acteurs indiens qui empruntent des chemins bien souvent différents pour atteindre la reconnaissance de leurs droits individuels et qui dans le même temps essaient de recomposer leurs expériences disparates afin d’obtenir une reconnaissance collective ou communautaire. Si au cours des décennies précédentes, le maintien de l’ordre social hérité de la colonisation et la monopolisation du pouvoir par les oligarchies locales constituaient les principales entraves aux mouvements indiens, l’auteur avance qu’aujourd’hui le plus grand danger pour les luttes indiennes pourrait bien être certains de ces acteurs qui, pour des raisons économiques, choisissent de s’installer en ville ou de quitter leur pays. En milieu urbain ou à l’étranger, leur identité indienne se trouve en effet diluée ; l’augmentation des flots de l’émigration pourrait donc venir hypothéquer des acquis encore fragiles en matière de droits et de reconnaissance.
La lecture de La grande révolte indienne permet au lecteur de tisser des liens entre les mouvements indiens qui se sont développés en Amérique latine et a le grand mérite d’inviter à réfléchir sur le futur incertain des Indiens.