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La France est-elle armée pour la guerre économique ?
Xavier Leonetti Paris, Armand Colin, 2011, 183 p.
Au point de départ de cet ouvrage de Xavier Leonetti, chef de la section intelligence économique de la Gendarmerie nationale, se trouve un constat simple : la fin de la Guerre froide n’a pas signé la fin des conflits géostratégiques. Mais, dans un contexte de mondialisation à la fois source de menaces et d’opportunités, ceux-ci ont pris une nouvelle forme, celle de la guerre économique, entendue comme « des opérations globales visant l’affaiblissement de l’économie d’un pays entier », distincte de la compétitivité économique, constituée de « l’ensemble des stratégies compétitives mises en place par les firmes pour s’assurer un avantage concurrentiel » (p. 10). Corollaire de cette définition, l’ouvrage est très axé sur le rôle jugé central de l’État, ainsi que sur les différents dispositifs mis en place à partir des années 2000 en son sein : création d’un poste de Haut responsable chargé de l’intelligence économique, restructuration des services de renseignement, soutien aux partenariats entre grands groupes et PME grâce aux pôles de compétitivité, etc.
L’ensemble de l’analyse est traversée par une forte analogie avec la guerre « classique », à laquelle l’auteur emprunte son vocabulaire, mais également un grand nombre d’exemples. Ainsi, la première partie de l’ouvrage, axée sur les enjeux liés à l’information, met fortement l’accent sur les outils de recueil, sélection et traitement de l’information qui pourraient être empruntés par les entreprises aux militaires, notamment en termes de veille, d’analyse prospective des signaux faibles et d’anticipation et de gestion des situations de crise.
La deuxième partie met quant à elle l’accent sur le rôle de l’État, qui se définit de moins en moins par la régulation de l’économie, et prend de plus en plus la forme d’un État stratège. Il devient promoteur des savoir-faire nationaux, tant à l’intérieur de ses frontières (notamment à travers les normes de qualité et de sécurité mises en place, mais aussi via des procédures telles que le Small Business Act américain dont un équivalent européen est de plus en plus évoqué) que vis-à-vis des États étrangers, les chefs d’État étant de plus en plus souvent accompagnés de chefs d’entreprises lors de leurs déplacements.
Enfin, alors que les deux premières parties s’intéressent aux formes et outils de la guerre économique, la dernière partie se focalise plus spécifiquement sur la France et dresse un bilan de ses forces et faiblesses dans la compétition économique mondiale. Si elle dispose de réels atouts tels qu’un fort potentiel de recherche, développement et innovation, lui fait néanmoins défaut une véritable culture compétitive. Pour illustrer ce manque, identifiable tant au niveau des entreprises que de l’État, l’auteur prend l’exemple de l’approche de la candidature aux Jeux Olympiques de 2012 : la France a cherché à répondre point par point sur le plan technique aux exigences du Comité international olympique. Le Royaume-Uni, qui est sorti vainqueur de la confrontation, a axé quant à lui sa stratégie sur le lobbying et l’influence, les lobbyistes étant décrits comme une véritable « armée sans fusil » (p. 76), pivots des nouvelles stratégies des entreprises.
À la question La France est-elle armée pour la guerre économique ?, Xavier Leonetti apporte une réponse en demi-teinte : si elle dispose d’avantages certains dans la « guerre de séduction économique » (p. 172) qui se joue actuellement, elle n’en reste pas moins fragile. Un renforcement de sa position passe par une refonte globale des systèmes de perception des relations État - entreprises, qui doivent désormais fonctionner sur le mode du réseau et du soutien mutuel, avec une véritable réflexion prospective qui permette d’anticiper les crises et non plus simplement d’y réagir sur un mode défensif.