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La France en Chine. Du XVIIe siècle à nos jours
par Bernard Brizay - Paris, Perrin, 2013, 556 p.
Fin connaisseur de l’expérience européenne en Chine au XIXe siècle, et notamment du sinistre sac du palais d’Été en 1860, Bernard Brizay dresse un panorama passionnant de la présence française en Chine depuis le XVIIe siècle, excluant donc les premiers contacts de Guillaume de Rubroek, qui ne sont que mentionnés au début de l’ouvrage. C’est, en effet, sous le règne de Louis XIV, qui coïncida peu ou prou avec celui de l’empereur chinois Kangxi, que les relations entre les deux pays connurent un essor remarquable, sous l’impulsion des missionnaires jésuites, mais aussi des fameux « mathématiciens du roi », envoyés spéciaux de la cour de Louis XIV et véritables promoteurs des sciences auprès de l’empereur. C’est à cette époque que la mission française de Pékin est implantée et s’impose comme une passerelle entre les deux pays.
Au XVIIIe siècle, durant la période des Lumières en France, la civilisation chinoise divise les philosophes français, qui se montrent d’une rare éloquence à son égard. Voltaire, rejoint par Diderot, voit dans la Chine « la nation la plus sage et la plus policée de l’univers », tandis que pour Montesquieu comme pour Rousseau, elle est «un État despotique, dont le principe est la crainte». Déjà, la Chine interpelle les esprits les plus éclairés, et le regard que lui portent les inspirateurs de la Révolution française est unique, au point que c’est alors en
France que les études sur la Chine sont les mieux documentées.
Au XIXe siècle, la relation entre la France et la Chine se noircit avec l’expérience coloniale et les humiliants traités imposés à Pékin, auxquels la France se greffe. C’est le temps de l’ouverture commerciale, des concessions et des opérations punitives.
B. Brizay traite cette période en détail et invite à la réflexion sur les conséquences des humiliations infligées à la Chine. Cette aventure coloniale est assez chaotique. Tantôt mené de front avec le Royaume-Uni ou, comme en 1900, dans le cadre d’une coalition occidentale, tantôt unilatéral, comme en 1884-85 en marge des opérations au Tonkin, l’engagement militaire français ne répond pas à un objectif clairement défini et donne parfois l’impression de vouloir suivre l’exemple britannique pour ne pas être totalement dépassé, comme l’illustrent les projets pharaoniques – et avortés – dans la province du Yunnan ou la concession de Guangzhouwan. C’est aussi l’époque des récits et des grandes épopées, de Pierre Loti à André Malraux, en passant par Albert Londres et la Croisière jaune. Émerge alors une Chine imagée et mystérieuse, sujette à tous les fantasmes autant qu’à un mépris caractéristique de la colonisation.
Sans doute par prudence, l’auteur évite la période controversée de la révolution culturelle et des influences maoïstes dans de nombreux cercles intellectuels français. Son ouvrage s’arrête donc à la reconnaissance diplomatique de la République populaire par le général de Gaulle en 1964, et à la visite d’André Malraux dans un pays dont il avait décrit les tourments quatre décennies plus tôt, dans La condition humaine. Suivra une autre visite gaullienne, celle d’Alain Peyrefitte au début des années 1970, puis la visite officielle de Deng Xiaoping en France, dès 1975, dans ce pays où il côtoya un certain Zhou Enlai un demi-siècle plus tôt. De fait, si la présence française en Chine mérite un tel ouvrage, la présence chinoise en France, incarnée par ces deux figures charismatiques de la République populaire et caractérisée par le regard singulier que portent les dirigeants chinois sur la France, est également du plus haut intérêt.
Au XVIIIe siècle, durant la période des Lumières en France, la civilisation chinoise divise les philosophes français, qui se montrent d’une rare éloquence à son égard. Voltaire, rejoint par Diderot, voit dans la Chine « la nation la plus sage et la plus policée de l’univers », tandis que pour Montesquieu comme pour Rousseau, elle est «un État despotique, dont le principe est la crainte». Déjà, la Chine interpelle les esprits les plus éclairés, et le regard que lui portent les inspirateurs de la Révolution française est unique, au point que c’est alors en
France que les études sur la Chine sont les mieux documentées.
Au XIXe siècle, la relation entre la France et la Chine se noircit avec l’expérience coloniale et les humiliants traités imposés à Pékin, auxquels la France se greffe. C’est le temps de l’ouverture commerciale, des concessions et des opérations punitives.
B. Brizay traite cette période en détail et invite à la réflexion sur les conséquences des humiliations infligées à la Chine. Cette aventure coloniale est assez chaotique. Tantôt mené de front avec le Royaume-Uni ou, comme en 1900, dans le cadre d’une coalition occidentale, tantôt unilatéral, comme en 1884-85 en marge des opérations au Tonkin, l’engagement militaire français ne répond pas à un objectif clairement défini et donne parfois l’impression de vouloir suivre l’exemple britannique pour ne pas être totalement dépassé, comme l’illustrent les projets pharaoniques – et avortés – dans la province du Yunnan ou la concession de Guangzhouwan. C’est aussi l’époque des récits et des grandes épopées, de Pierre Loti à André Malraux, en passant par Albert Londres et la Croisière jaune. Émerge alors une Chine imagée et mystérieuse, sujette à tous les fantasmes autant qu’à un mépris caractéristique de la colonisation.
Sans doute par prudence, l’auteur évite la période controversée de la révolution culturelle et des influences maoïstes dans de nombreux cercles intellectuels français. Son ouvrage s’arrête donc à la reconnaissance diplomatique de la République populaire par le général de Gaulle en 1964, et à la visite d’André Malraux dans un pays dont il avait décrit les tourments quatre décennies plus tôt, dans La condition humaine. Suivra une autre visite gaullienne, celle d’Alain Peyrefitte au début des années 1970, puis la visite officielle de Deng Xiaoping en France, dès 1975, dans ce pays où il côtoya un certain Zhou Enlai un demi-siècle plus tôt. De fait, si la présence française en Chine mérite un tel ouvrage, la présence chinoise en France, incarnée par ces deux figures charismatiques de la République populaire et caractérisée par le regard singulier que portent les dirigeants chinois sur la France, est également du plus haut intérêt.