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La France au défi
par Hubert Védrine - Paris, Hachette Pluriel, 2014, 174p.
« Réformisme radical », cette expression empruntée à Albert Camus pourrait résumer l’intention de l’auteur, plus connu pour être un spécialiste des relations internationales que d’économie ou de questions sociales. Pourtant, c’est pour redonner sa place à la France sur la scène mondiale que l’ancien ministre des Affaires étrangères s’interroge sur les raisons profondes du retard pris par la France sur d’autres pays.
Le début de l’ouvrage n’offre rien d’original et s’en tient à des analyses lapidaires caractéristiques de la presse des milieux d’affaires. Le parti pris d’une synthèse grand public tend à enfermer le livre dans des raccourcis sauvés par quelques allusions, rappelant qu’Hubert Védrine est trop sérieux et fin pour souscrire aux poncifs de la doxa décliniste.
Décliniste, il se refuse à l’être, en rappelant le potentiel dont bénéficie toujours la France. Mais il veut dénoncer les forces de blocages et l’absence ou l’insuffisance des réformes que d’autres pays ont, pour leur part, déjà engagées. En matière de dépense publique, de services publics et de protection sociale, bien sûr, mais aussi de rapports sociaux, marqués par cette défiance si bien analysée par Yann Algan et Pierre Cahuc (La société de Défiance, Paris, Éditions rue d’Ulm, 2007). Enfin, la France est paralysée par des controverses récurrentes, et donc stériles, sur les grands thèmes de société où des solutions pragmatiques sont écartées pour des postures de principes : immigration, école, travail, etc.
L’ancien ministre décoche ses traits contre le monde politique, qui ne parvient pas à entraîner le pays hors de ces impasses. Il dénonce le cumul des mandats, l’accaparement de la vie politique par une petite minorité de militants professionnels et la disparition de l’intégrité dans la conduite des affaires de l’État. Le système médiatique dans lequel évoluent les hommes politiques empêche une réflexion solide en sacrifiant celle-ci à « l’instantané » et à la transparence absolue brouillant vie publique et privée.
La seconde partie de l’ouvrage offre un programme de réflexion et de travail stimulant, et réaliste car prenant soin de répondre aux objections attendues. En premier lieu, selon l’auteur, les solutions se trouvent d’abord chez nous. Il récuse ainsi l’utopie d’une Europe fédérale et « la fuite en avant institutionnelle » (p. 137). L’Europe offre un cadre collectif pour affronter des défis extérieurs, mais ses préconisations en matière de politique économique doivent mettre davantage l’accent sur la croissance, quitte à manier utilement le taux de change de l’euro. Ensuite, il met en garde la gauche, dont il est issu, contre sa « nostalgie mélancolique », ses priorités sociétales et son « moralisme » (p. 131). Il faut savoir accepter les chances qu’offrent le progrès et la mondialisation, accepter que la redistribution nécessite d’abord la création de richesses, et ne pas s’enfermer dans une approche écologiste stérilisante.
La mise en œuvre reste délicate et soulève des questions de méthode (« neutraliser ou diviser les oppositions prévisibles », développer une « pédagogie adaptée, bien choisir le moment opportun). Le tournant de janvier 2014 pris par François Hollande offre, selon Hubert Védrine, les perspectives attendues. Mais la nouvelle ligne suivie par le président de la République ne pourra triompher qu’en s’appuyant sur une « coalition pour la réforme ». Celle-ci portera une transformation du système politique qui, sans remettre en cause la démocratie représentative, en limitera les abus et les dérives en surveillant l’éthique et la concentration des pouvoirs. Sur ce point, l’optimisme d’Hubert Védrine tend à se muer en volontarisme qui contraste avec sa réputation d’être le seul realpolitik de gauche.
Le début de l’ouvrage n’offre rien d’original et s’en tient à des analyses lapidaires caractéristiques de la presse des milieux d’affaires. Le parti pris d’une synthèse grand public tend à enfermer le livre dans des raccourcis sauvés par quelques allusions, rappelant qu’Hubert Védrine est trop sérieux et fin pour souscrire aux poncifs de la doxa décliniste.
Décliniste, il se refuse à l’être, en rappelant le potentiel dont bénéficie toujours la France. Mais il veut dénoncer les forces de blocages et l’absence ou l’insuffisance des réformes que d’autres pays ont, pour leur part, déjà engagées. En matière de dépense publique, de services publics et de protection sociale, bien sûr, mais aussi de rapports sociaux, marqués par cette défiance si bien analysée par Yann Algan et Pierre Cahuc (La société de Défiance, Paris, Éditions rue d’Ulm, 2007). Enfin, la France est paralysée par des controverses récurrentes, et donc stériles, sur les grands thèmes de société où des solutions pragmatiques sont écartées pour des postures de principes : immigration, école, travail, etc.
L’ancien ministre décoche ses traits contre le monde politique, qui ne parvient pas à entraîner le pays hors de ces impasses. Il dénonce le cumul des mandats, l’accaparement de la vie politique par une petite minorité de militants professionnels et la disparition de l’intégrité dans la conduite des affaires de l’État. Le système médiatique dans lequel évoluent les hommes politiques empêche une réflexion solide en sacrifiant celle-ci à « l’instantané » et à la transparence absolue brouillant vie publique et privée.
La seconde partie de l’ouvrage offre un programme de réflexion et de travail stimulant, et réaliste car prenant soin de répondre aux objections attendues. En premier lieu, selon l’auteur, les solutions se trouvent d’abord chez nous. Il récuse ainsi l’utopie d’une Europe fédérale et « la fuite en avant institutionnelle » (p. 137). L’Europe offre un cadre collectif pour affronter des défis extérieurs, mais ses préconisations en matière de politique économique doivent mettre davantage l’accent sur la croissance, quitte à manier utilement le taux de change de l’euro. Ensuite, il met en garde la gauche, dont il est issu, contre sa « nostalgie mélancolique », ses priorités sociétales et son « moralisme » (p. 131). Il faut savoir accepter les chances qu’offrent le progrès et la mondialisation, accepter que la redistribution nécessite d’abord la création de richesses, et ne pas s’enfermer dans une approche écologiste stérilisante.
La mise en œuvre reste délicate et soulève des questions de méthode (« neutraliser ou diviser les oppositions prévisibles », développer une « pédagogie adaptée, bien choisir le moment opportun). Le tournant de janvier 2014 pris par François Hollande offre, selon Hubert Védrine, les perspectives attendues. Mais la nouvelle ligne suivie par le président de la République ne pourra triompher qu’en s’appuyant sur une « coalition pour la réforme ». Celle-ci portera une transformation du système politique qui, sans remettre en cause la démocratie représentative, en limitera les abus et les dérives en surveillant l’éthique et la concentration des pouvoirs. Sur ce point, l’optimisme d’Hubert Védrine tend à se muer en volontarisme qui contraste avec sa réputation d’être le seul realpolitik de gauche.