See English version below « Ça s’est passé comme ça ». Ceci...
La Fin des néoconservateurs ?
Marie-Cécile Naves Paris, Ellipses, 2009, 141 p.
Le titre et la couverture de l’ouvrage de Marie-Cécile Naves sont trompeurs. Il ne s’agit pas d’un livre sur les États-Unis comme la photo du Capitole en première page le laisserait augurer, ni d’un essai exclusivement consacré à la fin des néo-conservateurs dont on aurait aimé mieux connaître le sort après le départ de leur héraut de la Maison-Blanche et que l’auteur évoque trop rapidement. Plus classiquement, il s’agit d’un ouvrage destiné aux étudiants qui leur présente l’histoire des néo-conservateurs.
On savait déjà grâce aux travaux de Justin Vaïsse leur parcours intellectuel depuis le parti démocrate dont la plupart étaient issus dans les années 1960 – dont certains sont encore membres contrairement à l’idée préconçue qu’on pourrait en avoir – jusqu’au parti républicain auquel ils vont donner sous Reagan l’armature intellectuelle qui lui faisait défaut. Si leurs positions en politique intérieure sont rarement évoquées en France, leur « wilsonisme botté » en politique étrangère a été bien documenté par Pierre Hassner, Pierre Mélandri, Alain Frachon, Daniel Vernet… Le mérite du manuel de Marie-Cécile Naves est de restituer la pensée néo-conservatrice dans ses multiples facettes. Si leur influence sur George Bush après le 11 septembre 2001 dans le déclenchement de la guerre en Afghanistan puis en Irak a été largement commentée, ils ont exercé une influence considérable mais mal connue en politique intérieure, combattant les dérives du Welfare state ou le « racisme à l’envers » induit par la généralisation des politiques de discrimination positive.
Il serait inélégant de reprocher à l’auteur d’avoir scrupuleusement respecté le cahier des charges de la collection Transversales dirigée par Alain Nonjon dont les manuels connaissent un grand succès parmi les élèves de Prépa HEC depuis près de vingt ans. En revanche on peut critiquer une maquette trop contraignante qui oppose un exposé didactique, pédagogique mais trop bref (« Comprendre : l’état de la question ») à des encadrés censés éclairer les grands débats contemporains (« Débattre : l’état des questions ») qui, de fil en aiguille, nuisent à la cohérence du propos. Marie-Cécile Naves a été obligée de faire quelques développements convenus sur « la Fin de l’Histoire », « le Choc des Civilisations », l’affirmative action ou la color-blindness de l’administration Bush. On la sent plus à l’aise quand elle évoque la diffusion intellectuelle des idées néo-conservatrices en France. La thèse de science politique qu’elle a soutenue en 2004 à Paris-Dauphine portait justement sur la réception dans l’espace culturel français de « La fin de l’histoire » de Fukuyama. Et on se prend à regretter que cette thèse stimulante, à la croisée des relations internationales, de la philosophie, de l’histoire des idées et de la sociologie, n’ait pas encore trouvé d’éditeur et que Marie-Cécile Naves gâche son talent dans des ouvrages de commande sans envergure.