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La fin de l’Europe ?
Par Olivier Lacoste - Paris, Eyrolles, 2016, 207p.
L’ouvrage arrive à point nommé pour reconsidérer les véritables raisons de la crise affectant l’Union européenne (UE). Accessible, cette présentation problématisée livre une analyse critique, voire sévère, mais relativement équilibrée : si elle décrit les dérives caractérisant l’approche dogmatique de la Commission, elle n’occulte pas que les États se sont appliqués à une défense égoïste de leurs intérêts nationaux. Le sujet est, par nature, polymorphe et complexe. Olivier Lacoste, économiste et ancien directeur du think tank Confrontations Europe, s’attache à dégager quelques grandes causes de la situation actuelle.
Tout d’abord, l’Union souffre d’une propension pathologique à empiler les règles, toujours plus exigeantes et toujours plus éloignées de la réalité de l’économie. Se défiant des États, considérés comme indisciplinés par nature, la Commission – qui n’a généralement aucune expérience de la gestion de véritables services publics – fait la leçon aux administrations nationales et leur oppose des règles intangibles. Ces dernières peuvent être inscrites dans le marbre des traités, ce qui traduit non seulement une conception dogmatique de l’équilibre des finances publiques et de l’infaillibilité du marché, mais aussi une confusion entre la dimension des politiques publiques et celle de l’ordre constitutionnel d’un système juridique. La sacralisation du Pacte de stabilité et de croissance (PSC), qui n’a jamais fonctionné, puis son renforcement par des dispositifs tout aussi irréalistes ont causé, selon l’auteur, beaucoup de tort à la zone euro. Paradoxalement, la Commission s’est montrée réticente à réglementer le secteur privé – car vertueux par nature, selon sa pensée économique –, réduisant par ailleurs le périmètre des services d’intérêt économique général censés être protégés d’une concurrence sans frein. Elle s’est spécialisée dans la surveillance des budgets nationaux, sans admettre que les défaillances du secteur financier sont à l’origine du gonflement des dettes publiques – les États ayant dû reprendre à leur compte la dette privée des banques en difficulté pour sauver le système financier.
L’auteur concède ensuite, comme bien d’autres analystes, le caractère peu démocratique du processus institutionnel européen. Le mode de gouvernement s’apparente davantage à la gestion d’autorités administratives indépendantes juxtaposées qu’à un processus de décision politique : la direction générale de la concurrence et la Banque centrale européenne gardent le temple du PSC. L’approche dogmatique en matière de concurrence a écarté la possibilité d’une politique industrielle nécessaire à l’accompagnement de l’intégration de l’espace économique régional. Dès lors, la polarisation de l’activité sur les territoires les plus performants a creusé l’écart avec les zones en crise. Face à la concurrence des pays tiers, le refus de recourir à des instruments de défense contre le dumping et les subventions à l’exportation – contrairement aux États-Unis ou aux pays « émergents » – a renforcé la fragilité de la zone euro.
Mais l’auteur évoque aussi la responsabilité des États. Ainsi, ces derniers cherchent à obtenir en retour plus de l’Union que la contribution financière qu’ils lui versent. Il est, dès lors, délicat de construire une politique budgétaire commune qui pourrait réaliser les transferts nécessaires au rééquilibrage de la croissance dans la zone euro. Plus grave, le comportement irresponsable de certains États – Irlande, Luxembourg, Royaume-Uni – a suscité une concurrence fiscale suicidaire qui s’est traduite, in fine, par une perte pour tous : « les États membres de l’Union ont progressivement transféré la charge de l’impôt d’une assiette fiscale plus mobile (revenu du capital et revenu des sociétés) vers des assiettes moins mobiles, notamment vers les revenus du travail » (Mario Monti, 2010, cité en p. 124). Difficile de contribuer plus efficacement à la montée des populismes anti-européens.
L’auteur cantonne sa démonstration aux questions économiques, et n’évoque ni l’échec de la politique étrangère européenne ni les divergences profondes en matière de questions de sociétés ou de politique migratoire. Il demeure pourtant optimiste et conclut que la crise du « Brexit » offre l’opportunité aux États membres d’engager une phase de reconstruction des institutions, au bénéfice d’une vision plus lucide des mécanismes économiques et des attentes des populations du Vieux Continent.
Tout d’abord, l’Union souffre d’une propension pathologique à empiler les règles, toujours plus exigeantes et toujours plus éloignées de la réalité de l’économie. Se défiant des États, considérés comme indisciplinés par nature, la Commission – qui n’a généralement aucune expérience de la gestion de véritables services publics – fait la leçon aux administrations nationales et leur oppose des règles intangibles. Ces dernières peuvent être inscrites dans le marbre des traités, ce qui traduit non seulement une conception dogmatique de l’équilibre des finances publiques et de l’infaillibilité du marché, mais aussi une confusion entre la dimension des politiques publiques et celle de l’ordre constitutionnel d’un système juridique. La sacralisation du Pacte de stabilité et de croissance (PSC), qui n’a jamais fonctionné, puis son renforcement par des dispositifs tout aussi irréalistes ont causé, selon l’auteur, beaucoup de tort à la zone euro. Paradoxalement, la Commission s’est montrée réticente à réglementer le secteur privé – car vertueux par nature, selon sa pensée économique –, réduisant par ailleurs le périmètre des services d’intérêt économique général censés être protégés d’une concurrence sans frein. Elle s’est spécialisée dans la surveillance des budgets nationaux, sans admettre que les défaillances du secteur financier sont à l’origine du gonflement des dettes publiques – les États ayant dû reprendre à leur compte la dette privée des banques en difficulté pour sauver le système financier.
L’auteur concède ensuite, comme bien d’autres analystes, le caractère peu démocratique du processus institutionnel européen. Le mode de gouvernement s’apparente davantage à la gestion d’autorités administratives indépendantes juxtaposées qu’à un processus de décision politique : la direction générale de la concurrence et la Banque centrale européenne gardent le temple du PSC. L’approche dogmatique en matière de concurrence a écarté la possibilité d’une politique industrielle nécessaire à l’accompagnement de l’intégration de l’espace économique régional. Dès lors, la polarisation de l’activité sur les territoires les plus performants a creusé l’écart avec les zones en crise. Face à la concurrence des pays tiers, le refus de recourir à des instruments de défense contre le dumping et les subventions à l’exportation – contrairement aux États-Unis ou aux pays « émergents » – a renforcé la fragilité de la zone euro.
Mais l’auteur évoque aussi la responsabilité des États. Ainsi, ces derniers cherchent à obtenir en retour plus de l’Union que la contribution financière qu’ils lui versent. Il est, dès lors, délicat de construire une politique budgétaire commune qui pourrait réaliser les transferts nécessaires au rééquilibrage de la croissance dans la zone euro. Plus grave, le comportement irresponsable de certains États – Irlande, Luxembourg, Royaume-Uni – a suscité une concurrence fiscale suicidaire qui s’est traduite, in fine, par une perte pour tous : « les États membres de l’Union ont progressivement transféré la charge de l’impôt d’une assiette fiscale plus mobile (revenu du capital et revenu des sociétés) vers des assiettes moins mobiles, notamment vers les revenus du travail » (Mario Monti, 2010, cité en p. 124). Difficile de contribuer plus efficacement à la montée des populismes anti-européens.
L’auteur cantonne sa démonstration aux questions économiques, et n’évoque ni l’échec de la politique étrangère européenne ni les divergences profondes en matière de questions de sociétés ou de politique migratoire. Il demeure pourtant optimiste et conclut que la crise du « Brexit » offre l’opportunité aux États membres d’engager une phase de reconstruction des institutions, au bénéfice d’une vision plus lucide des mécanismes économiques et des attentes des populations du Vieux Continent.