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La face cachée du Quai d’Orsay. Enquête sur un ministère à la dérive
Par Vincent Jauvert - Paris, Robert Laffont, 2016, 306p.
Dans les couloirs du ministère des Affaires étrangères, mercredi 5 avril 2016, une question était sur toutes les lèvres : « As-tu lu La face cachée du Quai d’Orsay ? » L’ouvrage en question est l’œuvre du journaliste Vincent Jauvert, grand reporter au service Monde de L’Obs. Son titre et son sous-titre laissaient augurer un lot d’anecdotes croustillantes. Les diplomates du Quai d’Orsay qui se sont plongés dans sa lecture redoutaient, pour certains, que leur nom y apparaisse ou, pour d’autres, qu’il soit passé sous silence, indice fatal de leur manque d’influence dans la « maison ». Tous, ils se sont délectés des petits ragots colportés sur leurs voisins de bureau.
La presse ne s’y est pas trompée : le jour même de sa publication ou le lendemain, des articles nourris ont été consacrés au livre. « Trafics, salaires exorbitants et autres scandales du Quai d’Orsay », titrait L’Obs – l’hebdomadaire qui emploie Vincent Jauvert ; « La face cachée peu reluisante de la diplomatie française », lisait-on dans Sud-Ouest ; « Un entre-soi façonné », évoquait Le Monde, plus abstrait mais pas moins critique.
Que trouve-t-on dans ce brûlot ? Moins des révélations tonitruantes que des anecdotes déjà connues, des rumeurs recueillies de sources pas toujours désintéressées dont la publication ne saurait valider la fiabilité. Tout cela est agencé de bric et de broc, les chapitres se succédant sans suite logique. Examinons pour s’en convaincre les trois premiers. Le premier concerne un « scandale étouffé » – dont la presse s’était pourtant déjà largement fait l’écho – au sujet duquel Vincent Jauvert ne révèle rien qui ne soit déjà su : le blâme infligé à l’ancien ambassadeur de France en Espagne pour avoir mis à disposition d’un sponsor privé sa résidence en méconnaissance des règles de la comptabilité publique. Le deuxième évoque le « linge sale » évidemment lavé en famille, telle la mise à la retraite d’office d’un ambassadeur harceleur, une décision d’une sévérité exemplaire que le Quai n’a nullement cherché à cacher. Ou encore le rappel à Paris, suivi de la suspension de six mois sans solde du consul général à Hong-Kong accusé de grivèlerie, elle aussi largement relayée dans la presse. Le troisième passe en revue les « Mickey d’Orsay », soit Philippe Douste-Blazy – auquel ce sobriquet cocasse avait été donné en 2006 –, Bernard Kouchner et Michèle Alliot-Marie, qui se sont succédé au poste de ministre.
Reconnaissons à Vincent Jauvert d’être généralement bien informé. Le journaliste a fait son travail, puisant aux meilleures sources et interrogeant la quasi-totalité du haut encadrement du ministère. Pourtant, son livre est semé d’erreurs qui jettent un doute sur sa connaissance du sujet. Certaines sont subjectives : sa tendance à voir des lobbys partout – les énarques, les gays, etc. D’autres sont objectives : il n’y a pas eu trois mais seulement deux décisions du Conseil d’État annulant la nomination de deux ambassadeurs fin 2012.
L’accumulation de ces historiettes rappelle la lecture du Canard enchaîné. On en sourit, on en pleure et au bout d’un moment, on s’en lasse. L’exercice, qui se veut inédit, n’est pas nouveau. À intervalles réguliers, les journalistes se penchent sur le Quai d’Orsay : Albert du Roy en 2000 (Domaine réservé), Isabelle Lasserre en 2007 (L’impuissance française), Franck Renaud en 2010 (Les diplomates), Gilles Delafon en 2012 (Le règne du mépris. Nicolas Sarkozy et les diplomates). Ces ouvrages font unanimement le constat de l’inadéquation entre les ambitions de notre politique étrangère et le manque de moyens de notre appareil diplomatique. La situation est particulièrement documentée par une série de rapports parlementaires dont la qualité ne reçoit pas la publicité qu’ils méritent. L’attention portée au Quai d’Orsay est étonnante. Il y a fort à parier que des enquêtes similaires sur d’autres administrations, tel que le corps préfectoral, aboutiraient aux mêmes résultats.
La presse ne s’y est pas trompée : le jour même de sa publication ou le lendemain, des articles nourris ont été consacrés au livre. « Trafics, salaires exorbitants et autres scandales du Quai d’Orsay », titrait L’Obs – l’hebdomadaire qui emploie Vincent Jauvert ; « La face cachée peu reluisante de la diplomatie française », lisait-on dans Sud-Ouest ; « Un entre-soi façonné », évoquait Le Monde, plus abstrait mais pas moins critique.
Que trouve-t-on dans ce brûlot ? Moins des révélations tonitruantes que des anecdotes déjà connues, des rumeurs recueillies de sources pas toujours désintéressées dont la publication ne saurait valider la fiabilité. Tout cela est agencé de bric et de broc, les chapitres se succédant sans suite logique. Examinons pour s’en convaincre les trois premiers. Le premier concerne un « scandale étouffé » – dont la presse s’était pourtant déjà largement fait l’écho – au sujet duquel Vincent Jauvert ne révèle rien qui ne soit déjà su : le blâme infligé à l’ancien ambassadeur de France en Espagne pour avoir mis à disposition d’un sponsor privé sa résidence en méconnaissance des règles de la comptabilité publique. Le deuxième évoque le « linge sale » évidemment lavé en famille, telle la mise à la retraite d’office d’un ambassadeur harceleur, une décision d’une sévérité exemplaire que le Quai n’a nullement cherché à cacher. Ou encore le rappel à Paris, suivi de la suspension de six mois sans solde du consul général à Hong-Kong accusé de grivèlerie, elle aussi largement relayée dans la presse. Le troisième passe en revue les « Mickey d’Orsay », soit Philippe Douste-Blazy – auquel ce sobriquet cocasse avait été donné en 2006 –, Bernard Kouchner et Michèle Alliot-Marie, qui se sont succédé au poste de ministre.
Reconnaissons à Vincent Jauvert d’être généralement bien informé. Le journaliste a fait son travail, puisant aux meilleures sources et interrogeant la quasi-totalité du haut encadrement du ministère. Pourtant, son livre est semé d’erreurs qui jettent un doute sur sa connaissance du sujet. Certaines sont subjectives : sa tendance à voir des lobbys partout – les énarques, les gays, etc. D’autres sont objectives : il n’y a pas eu trois mais seulement deux décisions du Conseil d’État annulant la nomination de deux ambassadeurs fin 2012.
L’accumulation de ces historiettes rappelle la lecture du Canard enchaîné. On en sourit, on en pleure et au bout d’un moment, on s’en lasse. L’exercice, qui se veut inédit, n’est pas nouveau. À intervalles réguliers, les journalistes se penchent sur le Quai d’Orsay : Albert du Roy en 2000 (Domaine réservé), Isabelle Lasserre en 2007 (L’impuissance française), Franck Renaud en 2010 (Les diplomates), Gilles Delafon en 2012 (Le règne du mépris. Nicolas Sarkozy et les diplomates). Ces ouvrages font unanimement le constat de l’inadéquation entre les ambitions de notre politique étrangère et le manque de moyens de notre appareil diplomatique. La situation est particulièrement documentée par une série de rapports parlementaires dont la qualité ne reçoit pas la publicité qu’ils méritent. L’attention portée au Quai d’Orsay est étonnante. Il y a fort à parier que des enquêtes similaires sur d’autres administrations, tel que le corps préfectoral, aboutiraient aux mêmes résultats.