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La fabrique de nos peurs
Frédéric Denhez Paris, François Bourin éditeur, 2010, 272 p.
Épidémie, inondation, famine, déplacement de population, nucléaire, pollution etc., chaque semaine, les médias se font écho d’une nouvelle « catastrophe ». C’est sur ce constat : « tout fait peur. La peur est la nouvelle utopie » (p. 11), que s’ouvre l’ouvrage de Frédéric Denhez.
Dès l’introduction, l’auteur, spécialiste des questions climatiques, définit clairement son objectif : il s’agit de « regard[er] nos peurs en face » (p. 13). Il détecte ainsi un point commun à toutes ces peurs : elles portent sur des technologies créées à l’origine pour le bien-être de tous, mais dont on commence à mesurer les dangers. Partant de ce constat, il montre l’un des paradoxes de la situation : le décalage croissant entre perception et réalité (examinée au vu des statistiques). Les sociétés occidentales connaissent une amélioration du confort, de la santé et de la science, mais en parallèle, les peurs elles aussi ont crû.
De son style très direct, et volontiers ironique, F. Denhez montre que l’expression de la peur est sans commune mesure avec son objet, notamment en raison du manque de compréhension des citoyens lié au silence des autorités politiques (« l’exemple » français est régulièrement employé) ou à leur discrédit : l’auteur rappelle ainsi la réaction très lente du pouvoir politique français face à la canicule de 2003 et sa sur-réaction devant la grippe H1N1 en 2009-2010.
Bâti autour de quatre parties représentant chacune un type de peur, celles de l’invisible (ondes, particules radioactives, pollution), des manipulations du vivant (OGM, nanotechnologies, clonage), des phénomènes incontrôlables (surpopulation, canicule) et des conséquences des actions de l’Homme (maladies, dérèglement climatique), l’ouvrage analyse chaque objet de nos peurs en prenant pour point de départ les croyances populaires, tout en pointant leurs contradictions.
Prenant ainsi l’exemple du téléphone portable et de la peur des ondes qu’il dégage, F. Denhez montre que les pratiques d’utilisation de cet appareil, de plus en plus perçu comme indispensable par ses détenteurs, ne changent pas, la peur se reportant sur les antennes-relais, dont le déplacement n’induit aucune modification des comportements.
Très documenté, faisant le tri entre le fantasme et les risques réellement encourus, cet ouvrage dresse une typologie novatrice et pertinente de nos peurs, tant à l’échelle locale, que nationale voir internationale. On regrettera cependant que l’analyse des mécanismes de construction de la peur, les enjeux qui y sont liés et les parties prenantes de ce processus, brièvement évoqués en conclusion, n’aient pas été plus développés par l’auteur.