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La droite catholique aux États-Unis. De la guerre froide aux années 2000
par Blandine Chélini-Pont - Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, 372 p.
Le conservatisme a pris une place grandissante dans la vie politique américaine, s’installant à la Maison-Blanche sous Ronald Reagan puis sous George W. Bush. Cette famille intellectuelle constitue une constellation aux ramifications complexes. Justin Vaïsse s’est fait l’historien du néo-conservatisme (Histoire du néo-conservatisme aux États-Unis, Odile Jacob, 2008), Sébastien Carré le sociologue des libertariens (La pensée libertarienne, PUF, 2009) et Célia Belin la radiographe des lobbies chrétiens pro-Israël (Jésus est juif en Amérique, Fayard, 2011). Mais le soubassement catholique de la pensée conservatrice constituait un angle mort de la recherche politique française que Blandine Chélini-Pont, spécialiste du catholicisme, vient combler.
Dans l’Amérique chrétienne, le protestantisme a toujours été majoritaire. Face aux PIGS (Poles, Italians, Greeks, Slaves) catholiques, les WASP (White Anglo-Saxon Protestants) ont l’avantage de l’antériorité et du nombre. Issus de l’immigration, les catholiques forment, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, un groupe social homogène en voie de rapide intégration, caractérisé par un patriotisme fervent, le respect des injonctions de la hiérarchie épiscopale, une forte identification aux classes laborieuses et un soutien massif au Parti démocrate. Complètement américanisées dans les années 1950, les nouvelles classes moyennes catholiques se rapprochent progressivement du Parti républicain : 46 % des électeurs catholiques votent pour Dwight Eisenhower en 1952, 59 % pour Richard Nixon en 1972, 60 % pour R. Reagan en 1984. Cette lente évolution – qui n’empêche pas les catholiques de voter majoritairement pour John F. Kennedy en 1960 et pour Jimmy Carter en 1976 – s’explique par plusieurs facteurs : la critique de l’étatisme mis en œuvre depuis le New Deal, un anticommunisme virulent qui ne se satisfait pas de la politique de containment puis de détente des administrations successives, le refus des conclusions du concile Vatican II, les fractures béantes de la libération sexuelle et l’horreur qu’inspire la libéralisation de la contraception d’abord, de l’avortement ensuite, etc.
Tandis qu’une minorité de catholiques devient libertaire, anticapitaliste et tiers-mondiste sur fond d’opposition quasi-séditieuse à la guerre du Viêtnam, une majorité entame, par réaction, un virage conservateur. Cette « majorité silencieuse », qui s’était coalisée en 1964 derrière la candidature de Barry Goldwater, est elle-même fragmentée. Une branche modérée rencontre le néoconservatisme émergent d’anciens démocrates, souvent juifs ou protestants, unis dans une même détestation du gauchisme en politique intérieure et du communisme en politique extérieure. Une branche plus radicale prend la voie du théoconservatisme, défenseur de l’âme chrétienne de l’Amérique, à la pointe du combat pro-life et volontiers isolationniste en politique extérieure. Ces mouvements ont connu deux acmés : en 1980 avec l’élection de R. Reagan, qui marque le triomphe de la New Christian Right et de la Moral Majority, et après le 11-septembre, avec la guerre contre le terrorisme déclenchée par les conseillers néoconservateurs de George W. Bush.
La victoire de Barack Obama et sa réélection facile en 2012 ne doivent pas occulter la vigueur de ce mouvement. Les candidats les plus sérieux aux primaires républicaines pour 2016 (Marco Rubio, Paul Ryan, Rick Santorum) sont tous des catholiques partisans d’un conservatisme décomplexé qui s’opposent fermement à l’avortement, au mariage homosexuel, à la recherche sur l’embryon humain. Preuve s’il en faut que le conservatisme catholique a de beaux jours devant lui.
Dans l’Amérique chrétienne, le protestantisme a toujours été majoritaire. Face aux PIGS (Poles, Italians, Greeks, Slaves) catholiques, les WASP (White Anglo-Saxon Protestants) ont l’avantage de l’antériorité et du nombre. Issus de l’immigration, les catholiques forment, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, un groupe social homogène en voie de rapide intégration, caractérisé par un patriotisme fervent, le respect des injonctions de la hiérarchie épiscopale, une forte identification aux classes laborieuses et un soutien massif au Parti démocrate. Complètement américanisées dans les années 1950, les nouvelles classes moyennes catholiques se rapprochent progressivement du Parti républicain : 46 % des électeurs catholiques votent pour Dwight Eisenhower en 1952, 59 % pour Richard Nixon en 1972, 60 % pour R. Reagan en 1984. Cette lente évolution – qui n’empêche pas les catholiques de voter majoritairement pour John F. Kennedy en 1960 et pour Jimmy Carter en 1976 – s’explique par plusieurs facteurs : la critique de l’étatisme mis en œuvre depuis le New Deal, un anticommunisme virulent qui ne se satisfait pas de la politique de containment puis de détente des administrations successives, le refus des conclusions du concile Vatican II, les fractures béantes de la libération sexuelle et l’horreur qu’inspire la libéralisation de la contraception d’abord, de l’avortement ensuite, etc.
Tandis qu’une minorité de catholiques devient libertaire, anticapitaliste et tiers-mondiste sur fond d’opposition quasi-séditieuse à la guerre du Viêtnam, une majorité entame, par réaction, un virage conservateur. Cette « majorité silencieuse », qui s’était coalisée en 1964 derrière la candidature de Barry Goldwater, est elle-même fragmentée. Une branche modérée rencontre le néoconservatisme émergent d’anciens démocrates, souvent juifs ou protestants, unis dans une même détestation du gauchisme en politique intérieure et du communisme en politique extérieure. Une branche plus radicale prend la voie du théoconservatisme, défenseur de l’âme chrétienne de l’Amérique, à la pointe du combat pro-life et volontiers isolationniste en politique extérieure. Ces mouvements ont connu deux acmés : en 1980 avec l’élection de R. Reagan, qui marque le triomphe de la New Christian Right et de la Moral Majority, et après le 11-septembre, avec la guerre contre le terrorisme déclenchée par les conseillers néoconservateurs de George W. Bush.
La victoire de Barack Obama et sa réélection facile en 2012 ne doivent pas occulter la vigueur de ce mouvement. Les candidats les plus sérieux aux primaires républicaines pour 2016 (Marco Rubio, Paul Ryan, Rick Santorum) sont tous des catholiques partisans d’un conservatisme décomplexé qui s’opposent fermement à l’avortement, au mariage homosexuel, à la recherche sur l’embryon humain. Preuve s’il en faut que le conservatisme catholique a de beaux jours devant lui.