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La Doctrine Obama Fondements et aboutissements
Gilles Vandal Presses de lUniversité du Québec, Québec, 2011, 215 p.
Écrit durant l’année 2010, cet ouvrage ne prétend pas dresser un bilan de la politique étrangère de l’actuel président américain, mais plutôt montrer comment sa pensée en la matière s’est construite. La compréhension de ce processus et du contexte intellectuel dans lequel Barack Obama a pris ses fonctions, permet de saisir combien il est illusoire d’attendre une révolution en matière de relations internationales de sa part.
B. Obama est avant tout un chrétien pragmatique. Il reconnaît que le mal est une donnée fondamentale de l’expérience humaine. Durant son enfance, il s’est longtemps engagé comme pasteur au service de communautés défavorisées, et l’ouvrage montre comment cette phase de sa vie a été importante dans la construction de sa réflexion. Son premier maître à penser, Reinhold Niebuhr, était un théologien luthérien ayant fortement influencé les milieux intellectuels américains au cours du siècle passé. Si le mal est une réalité, soyons réalistes, acceptons son existence et combattons-le quand cela est possible : mais n’ayons pas l’illusion qu’un appel à la croisade contre les États-voyous de la planète permettra de bâtir un monde parfait. Le réalisme de George Kennan, son second maître à penser, vient compléter le progressisme libéral du premier et tempérer ce qui aurait pu apparaître comme un idéalisme wilsonien traditionnel. Si Obama affirme son soutien à la promotion de la démocratie à travers le monde, la politique étrangère américaine vise d’abord à défendre les intérêts nationaux. Réaliste, il l’est aussi dans l’évaluation des possibilités qui s’offrent désormais à Washington : les forces américaines ne sont pas illimitées, l’échec irakien l’a prouvé et la crise financière est venue confirmer la fragilité de la première puissance mondiale. Désormais, les États-Unis n’ont plus les moyens de jouer les gendarmes du monde. Cette combinaison de l’idéalisme démocrate et du réalisme politique se résume dans cette phrase de Niebuhr : « Dieu, accordez-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne peux changer, le courage de changer les choses que je peux et la sagesse d’en connaître la différence » (p. 12).
C’est dans cette logique que B. Obama prit la décision du retrait des troupes américaines d’Irak. Sa politique étrangère apparût plus modérée et conciliante que sous son prédécesseur, en proposant une nouvelle relation avec le monde musulman, l’Amérique latine ou encore la Russie. Militant pour un monde sans armes atomiques, B. Obama conclu rapidement un accord majeur avec la Russie en ce domaine.
Pragmatique, le président américain le démontre tant dans les objectifs que dans la méthode. Contrairement à certains de ses prédécesseurs, il ne s’entoure pas de grands « penseurs » (Brezinski, Kissinger). En revanche, il a su constituer autour de lui une équipe hors pair où il accepte d’intégrer des personnalités plus expérimentées et politiquement influentes (donc potentiellement un risque pour son autorité : son ancienne rivale à la course à la Maison-Blanche, Hillary Clinton, est ministre des Affaires étrangères), mais aussi a priori opposées à sa ligne politique. Par exemple, Robert Gates, membre de l’équipe Bush fils. Le pragmatisme d’Obama se nourrit de la diversité des approches et du refus d’une doctrine figée. C’est peut être cela, d’ailleurs, la doctrine Obama.
Pour le reste, soyons prudent, l’inflexion est moins nette que ce que la presse française a bien voulu laisser croire en 2009. D’abord parce que l’administration de George W. Bush avait déjà tiré un certain nombre de conclusions de ses échecs et avait modifié sa politique en conséquence. Ensuite, parce que les faits tardent à suivre les bonnes intentions. Surtout, selon l’auteur, le pragmatisme n’exclut pas les erreurs : la politique suivie en Afghanistan montre que « l’afghanisation » de la guerre, pour réaliste et pragmatique qu’elle soit, n’a pas permis la victoire. L’Amérique d’Obama, au fond, se retrouve dans la même position que l’Amérique de Nixon.