La Chinafrique. Pékin à la conquête du continent noir
Serge Michel, Michel Beuret, photos de Paolo Woods Paris, Grasset, 2008, 348 p.
Voici un livre qui confirme, si besoin était, que les Chinois ont pris l'avantage en Afrique ; des Chinois en tout genre : des diplomates et des chefs d'entreprises, bien sûr, mais aussi des cadres, des ingénieurs, des ouvriers, des immigrés, des vendeurs de rue, des prostituées. Et c'est la première grande révélation de cet ouvrage, construit à partir d'une longue enquête menée par trois journalistes : la venue de la Chine dépasse le simple renforcement des liens économiques, pour devenir un phénomène plus structurel d'interpénétration. Ce dernier a été favorisé par trois facteurs : tout d'abord, la Chine doit trouver des alliés pour devenir une puissance globale ; ensuite, elle n'a cure de la nature peu démocratique, voire ubuesque de certains régimes partenaires. Enfin, la compétitivité de l'offre chinoise dans de nombreux domaines, permet de bousculer les positions acquises par les Occidentaux.
Sur la scène internationale, les gains de la Chine se font au détriment des positions françaises, mais aussi libyennes. Tous les coups sont permis, surtout ceux que la Françafrique n'ose plus porter : ventes d'armes légères à tout va, soutien à des régimes responsables de crimes contre l'humanité (Soudan) ou particulièrement répressifs (Zimbabwe), destruction de la flore et de la faune (trafic d'ivoire), tout est bon pour s'installer durablement, et surtout, pour contrôler solidement les sources de matières premières indispensables à la forte croissance industrielle chinoise. Mais c'est là que l'histoire peut bifurquer : pour un État comme l'Angola, assis sur la manne pétrolière, tout est permis aussi, y compris de dire « non » aux Chinois, ou alors de faire jouer la concurrence : car déjà, d'autres États émergents se lancent dans la course, comme le Brésil ou l'Inde.