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La Belgique et la France Amitiés et rivalités
Romain Yakemtchouk Paris, LHarmattan, 2010, 304 p.
France et Belgique : amies ou rivales ? Indéniablement, la République française et le Royaume de Belgique sont proches. Proches géographiquement, bien entendu, le Nord de la France formant le Sud de la Belgique. Proches linguistiquement également, la Wallonie et une majorité des habitants de Bruxelles parlant la même langue que les Français. Proches historiquement, le destin de la Belgique étant lié à celui de la France puisqu’elles ont connu les mêmes conflits et ont eu à faire face aux mêmes menaces au fil des siècles. La France et la Belgique sont également rivales, sans aucun doute. Leurs cultures ou leurs économies ont poursuivi depuis des siècles des objectifs concurrents. Or, la vision de leur avenir qu’ont chacun de ces deux territoires diverge fondamentalement. Historiquement, rappelle le Romain Yakemtchouk, professeur de l’université de Louvain et spécialiste des relations internationales et européennes, la France a toujours été en quête de puissance et a toujours souhaité étendre son influence sur la Belgique. La Belgique constituait le prolongement géographique naturel du territoire français, devait être soustraite à l’influence de puissances rivales, et présentait de nombreux atouts économiques. De con côté, la Belgique a été entourée depuis des siècles de royaumes importants au nord avec les Pays-Bas, à l’est avec la Prusse ou l’Allemagne, au sud avec la France, et à l’ouest avec le Royaume-Uni. Et sa préoccupation a ainsi toujours été de préserver son indépendance. Comme le rappelle Romain Yakemtchouk, « tout en étant conscientes de leurs affinités culturelles et du rayonnement de la France dans le monde, [les populations de Belgique] ne tarderont pas à réclamer leur autonomie vis à vis de la royauté » (p. 7).
L’ouvrage débute par une partie historique un peu aride mais passionnante sur les incessantes relations de pouvoir qu’a connu le territoire franco-belge du xive au xixe siècle, alors que dans le même temps les territoires du centre de la France ont connu une relative stabilité. Tantôt alliées et tantôt rivales, toujours amies, la France et le Belgique l’ont également été dans leurs relations internationales, leurs discours et intérêts convergeant ou divergeant à l’occasion de la colonisation, des relations avec les puissances européennes ou du développement de l’Union européenne.
Mais au-delà de l’analyse historique, l’intérêt principal de ce passionnant ouvrage tient au recul qu’il permet d’avoir sur les relations actuelles entre la France et la Belgique et au sein de ces territoires. À l’heure de la création entre les collectivités françaises et les territoires belges d’eurométropoles et eurodistricts communs, de la crise institutionnelle belge ou du développement des relations économiques entre les territoires depuis l’ouverture du marché européen en 1993 ou encore durant la récente crise financière (Carrefour/GB, BNP-Paribas/Fortis, GDF/Suez, Dexia), l’analyse du professeur Yakemtchouk permet de saisir les enjeux des relations franco-belges mais également des relations internes en Belgique à l’aune des relations passées de la Flandre et de la Wallonie avec la France. L’ouvrage fournit ainsi des réponses aux hypothèses parfois entendues de scission de la Belgique, d’autonomie de la Flandre ou de rattachement de la Wallonie à la France.