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Iran, l’état de crise
François Géré Paris, Karthala/Lignes de repères, 2010, 204 p.
Alors que de nouvelles sanctions à l’encontre l’Iran sont régulièrement évoquées dans la presse, cet ouvrage, se présentant comme une édition revue et totalement remaniée d’un précédent ouvrage de l’auteur, L’Iran et le nucléaire, les tourments perses, apporte un éclairage non négligeable sur cette crise et sa genèse.
D’emblée, François Géré, spécialiste des questions nucléaires, explicite le contenu de l’ouvrage, qui est centré sur « la crise nucléaire et les problèmes stratégiques qui en résultent » (p. 10), avec un retour sur la naissance du programme nucléaire iranien, bien avant la Révolution de 1979, et un déroulement chronologique des différentes étapes le jalonnant jusqu’à la récente découverte du site de Fardoo en septembre 2009. Mettant plus particulièrement l’accent sur la période qui s’est ouverte en 2002 avec les « révélations » d’un groupe d’opposants en exil, il interroge les véritables motivations et objectifs du pouvoir iranien quant à la maîtrise du nucléaire, pour démontrer in fine de manière convaincante la difficulté à saisir la finalité de ce programme.
Sont ainsi évoqués les ambitions de puissance régionale de l’Iran, ses moyens de pression et le risque de déstabilisation du Moyen-Orient qu’une telle ambition peut déclencher, mais également, dans une perspective plus globale, les relations avec les États-Unis ou l’Union européenne, de même que les rapports asymétriques entretenus par la République islamique avec la Russie et la Chine ou les causes de l’absence de consensus au sein de la communauté internationale, malgré le vote de trois résolutions du Conseil de sécurité sanctionnant l’Iran.
On notera d’ailleurs que, bien que le positionnement de l’auteur quant aux réponses à apporter à la crise soit aisément perceptible – une très grande réticence à l’égard d’une intervention militaire –, il examine assez impartialement toutes les réponses possibles au développement du programme nucléaire iranien, pour aboutir à un jugement nuancé et dépassionné particulièrement bienvenu.
Néanmoins, tout l’intérêt de cet ouvrage est de ne pas se cantonner aux enjeux géopolitiques et au déroulement de la crise. En effet, François Géré replace la volonté iranienne d’acquérir la maîtrise de la technologie nucléaire dans son contexte, ce qui l’amène à considérer la société iranienne dans sa diversité, paramètre souvent négligé par d’autres auteurs. Ainsi, en s’appuyant sur ses visites répétées en Iran, et ses discussions avec les acteurs politiques, économiques… mais aussi avec des personnes ordinaires, l’auteur consacre plusieurs chapitres à une mise en perspective historique de l’Iran, visant à la fois à rompre avec les préjugés communément admis sur ce pays, mais aussi à en montrer la profonde complexité : luttes au sommet de l’État, paradoxes économiques… Ainsi, l’ouvrage apporte des clés de compréhension des perceptions et des croyances iraniennes forgées par son histoire et des luttes de pouvoir qui influent sur les orientations politiques et les décisions en matière de nucléaire.
Clair et pédagogique, cet ouvrage se présente comme une photographie de l’état de la crise du nucléaire iranien, et permet d’en mieux saisir les enjeux, tant nationaux que régionaux ou internationaux, ainsi que les acteurs et leurs positions.